Je n'ai absolument rien compris de cet esti de succès planétaire. Pourtant, il possède tous les ingrédients qu'on avait déjà proscits depuis au moins 2003. Dans un monde idéal qui aurait préservé son souci de qualité, de recherche et de renouvellement constant, Gangnam Style ne se serait jamais rendue jusqu'à nous: trop insipide. Du réchauffé, parce que c'est ce qu'elle nous tend, un condensé de réchauffé.
Ce sont ceux qui n'ont jamais connu l'ère Jackass et Dollaraclip qui trouvent ce type d'absurdité rafraîchissant, pour qui c'est tout nouveau d'voir un dude se dandiner allègrement comme s'il sortait d'une pub de Viagra. Ceux qui ont décroché 6 ans plus tard des "J't'ai cassé" et des répliques d'Oncle Tom des Têtes-à-Claques. Et ceux qui naïvement pensent qu'on a là, un trésor purement web, créé par et pour les internautes.
M'semble qu'on s'était consultés, dans les mid-00s, pour en arriver à un consensus comme quoi on ne pourrait plus donner d'attention, ni même trouver drôle, quiconque se filmant en train d'faire l'idiot, n'ayant rien d'autre à offrir, ou pire, si l'espoir de faire rire ne repose que sur des mouvements de bassin pis une tronche d'attardé perfide.
On avait fait l'tour non seulement des D-Natural, mais en plus, on venait d'entrer dans l'ère des Mèmes, où les Star Wars Kid et Numa Numa faisaient des fous d'eux à l'échelle mondiale alors qu'on cherchait désespérément à reproduire leur "succès" en provoquant nous-mêmes nos malheurs stagés sur caméra, faute de spontanéité.
Pis par dessus ça, on a même traversé péniblement l'époque des Lidpub et Flashmob. Pis Gangnam Style, c'est un peu ça, un grand Flashmob planétaire. C'est l'aboutissement de tout c'que le web a connu dans la dernière décennie, un mélange de ses recettes les plus sincères, inoffensives, sottes et spontanées, qu'on lui a arrachées pour en faire le nouveau hit pop de l'année.
On ne s'est même pas demandé si Psy était conscient ou non de l'image qu'il projetait et s'il n'était pas en fait la nouvelle risée du web dans une version améliorée de William Hung. Non. On a tout avalé, parce qu'on savait que tout était calculé. Cela nous paraissait évident, parce qu'on a appris à les déceler ceux-là, avec le temps. On a fait le choix d'adhérer malgré tout. J'ai mal à mon web, parce que désormais, l'industrie d'la musique peut simuler qu'un dude aura l'air con que ça fonctionnerait autant que s'il l'était réellement. Le manifeste du moindre effort, de la gaffe planifiée.
Mine de rien, le hit de Psy n'est rien d'autre qu'un néo-Who let the dogs out, ou pire, Dragostea Din Tei (Numa Numa) à qui on a prêté une danse nous rappelant la Ketchup Song, médiocre succès de l'année 2002, expressément conçue en fonction d'une chorégraphie de quelques mouvements de bras, pré-destinée à être répétée massivement sur les pistes de danse, plages et salles de Bingo. Une Macarena contemporaine à saveur LMFAO. La chanson parfaite pour tomber dans le panneau. Et Dieu sait qu'on y est tombés profondément dans c't'esti de panneau là.
J'espère qu'on s'en rend compte, qu'on est là, à triper sans honte, sur ce qui autrefois rentrerait dans un registre voisin aux Don Karnage, Spice Girls et G-Squad.
J'aimerais m'avancer sur les parodies de Gangnam Style, comme celle du Bye Bye 2012, qui ont usé de toutes les variables possibles avec "Style", en reprenant l'abjecte chorégraphie, mais j'suis trop occupé à jouer au Nintendo en m'crissant des dictionnaires dans 'face en espérant m'écrouler en crise d'épilepsie sur le sol pour m'éviter d'entendre vos éloges à l'égard du Gabriel Nadeau Style.
Je vous déteste.