En proposant une incursion théâtrale et acrobatique dans l’univers onirique du célèbre Salvador Dalí, le metteur en scène Daniele Finzi Pasca avait à sa disposition un univers où se mélangent rêves et cauchemars, beauté et laideur, vérité et mensonge, avec un voile de grandiloquence des plus attirant. Présentée en première mondiale à Montréal, avant de partir en tournée internationale pendant des mois, La Verità était précédée d’une rumeur incroyablement favorable. Malheureusement pour les spectateurs du monde entier, la rumeur avait tout faux…
Malgré la présence de plusieurs numéros époustouflants (la roue Cyr à trois acrobates, le main à main langoureux, la mélodie des verres d’eau, l’intense course-danse en béquilles, ainsi que les numéros aériens d’une originalité et d’une beauté à couper le souffle), ils sont pratiquement tous gâchés par la présence de personnages inutiles qui détournent notre attention de la splendeur qui prend forme sur scène. Surgissant de nulle part, déambulant un peu partout et se permettant bruits et mouvements qui n’apportent rien à l’ensemble, ils nuisent énormément aux passages inspirés de la production.
Pire encore, les autres sections du spectacle sont ennuyantes ou partiellement manquées. La jeune femme qui danse avec des cerceaux n’offre rien de nouveau ou de magique. Les adeptes du mât chinois se succèdent inlassablement pendant cinq secondes chacun sur leur appareil avant de saluer le public et de recommencer en boucle pendant beaucoup trop longtemps. Les jongleurs au sol nous laissent de glace, en plus d’échapper plus d’une balle pendant le numéro. Les clowns parlent un français aride et accumulent les gags qui tombent à plat, avant de les répéter six fois de suite.
Contrairement aux soirs de première où l’on peut sentir une légère nervosité, la prestation des artistes donne l’impression que le spectacle n’est pas assez rodé. Décousu, dépourvu de cohésion d’ensemble, manquant cruellement de rythme et laissant pantois des centaines de spectateurs pendant la presque totalité du spectacle, La Verità n’est pas un moment franchement agréable à passer.
Comme si tout cela n’était pas déjà assez, les costumes sont peu inspirés et la fameuse toile peinte par Dali pour le ballet Mad Tristan en 1944 est mal exploitée pendant le spectacle. Outre la passion amoureuse de Tristan et Iseult que l’on retrouve dans certains duos et la présence de pissenlits blanchis parmi les décors, jamais l’œuvre somptueuse ne sert le propos. Au mieux, elle est traitée comme un simple accessoire.
Si le maître du surréalisme avait le pouvoir de rendre la laideur fascinante et d’offrir au monde une vision que nul autre avant lui n’avait proposée, Daniele Finzi Pasca et son équipe ne sont visiblement pas à la hauteur du diamant brut qu’ils avaient entre les mains. Au lieu de s’engloutir dans le rêve, les créateurs semblent s’être englués dans un demi-sommeil où les idées inachevées sont reines.
Les attentes étaient-elles trop grandes? Peut-être. Mais quand on dispose de tels moyens et qu’on a la prétention de plonger dans l’univers de Dalí, on ne peut faire autrement que de flirter avec le grandiose.
La Verità
Jusqu'au 3 février
Théâtre Maisonneuve | 175, Ste-Catherine Ouest | facebook.com/finzipasca