Depuis le crucial The Besnard Lakes are the Dark Horse (2007), le combo montréalais aux origines ouest-canadiennes poursuit plus ou moins sur la même majestueuse lancée, alliant shoegaze hallucinogène, classic rock explosif et pop sucrée des années soixante. Tel qu'anticipé, Until in Excess, Imperceptible UFO, nouvel opus qui paraît ce mardi, suit les mêmes sentiers avec brio. Ne manquent que les feux d'artifice et les coups de gong.
Du pareil au même, les albums des Besnard Lakes? Pas si on en croit le leader Jace Lasek. Outre le recours à un nouvel agent pour la mastérisation (le vétéran Greg Calbi, qui compte à son crédit des classiques de John Lennon), ainsi qu'une plus forte présence au chant de l'épouse de Lasek, la bassiste Olga Goreas, le groupe a quelque peu modifié ses procédés.
Lasek nous dit ici en quoi. Comme toujours, le making of de la musique des Besnard Lakes est intimement lié aux activités du studio lui appartenant, Breakglass.
Il y a une continuité d'un album à l'autre, comme si vous vous en teniez à certains paramètres. À ce stade-ci, peut-on dire que c'est surtout l'habillage de votre musique qui varie?
Hum… Je ne sais pas. Il me semble que cet album atteint un niveau de sophistication que nous n'avions pas encore approché avant. Tu sais, il a pris un bon moment à faire – on dirait que c'est toujours le cas pour nous. On pourrait dire que nous sommes descendus plus loin dans la caverne. On a essayé de faire des choses qui nous semblaient hors de l'ordinaire.
J'entends des références aux années 50. Est-ce que c'est ce que tu veux dire par sophistication?
Aux années 50, vraiment? Wow. Peut-être dans les harmonies vocales… Je ne sais pas, je n'écoute pas beaucoup de musique de cette époque. J'écoute un peu de trucs du tout début des années 60… Le vibraphone, c'est Spencer Krug, de Wolf Parade et de Moonface, qui fait ça. Il était en studio pour enregistrer un nouvel album de Moonface, et il avait des marimbas, des xylophones, des blocs de bois et un tas d'autres trucs avec lui. Je lui ai demandé de me consacrer une journée. Je lui ai fait entendre des trucs des «Besnards» et lui ai demandé de jouer dessus. C'est sans doute ce qui amène ce petit côté Henry Mancini…
La sophistication se trouve davantage dans les structures, dans les mélodies, dans la construction des accords… Nous avons choisi de développer des idées que nous n'avions jamais explorées auparavant. Par exemple: faire des decrescendos au lieu de crescendos, comme nous l'avons toujours fait. Le meilleur exemple serait And Her Eyes Were Painted Gold, la deuxième chanson. Ça commence très fort et à la fin, ça devient presque comme une berceuse.
Sinon, mes références sont encore surtout dans les années 60. Nous avons toujours eu cette affinité, mais cette fois, surtout avec des chansons comme The Specter, tout le monde nous dit que nous avons un côté encore plus californien et psychédélique… J'ai beaucoup écouté Pacific Ocean Blue de Dennis Wilson. J'avais envie de lui faire une sorte d'hommage, avec un peu de surf au piano comme ce que Dennis Wilson faisait.
Tu as souvent dit que tu travaillais vite parce que tu es impatient d'entendre les résultats. C'est encore le cas?
Non. Celui-là a été vraiment dur à finir. On l'a commencé en planifiant deux, trois semaines en studio, en nous disant que ce serait assez. Puis, nous sommes arrivés à court d'idées. On a donc pris une pause, mais quand on est revenus, rien ne se passait non plus. C'était assez stressant, parce que c'était il y a deux ans et demi, presque trois ans, et que j'avais des délais très serrés en tête. L'album a été terminé et mixé en juillet 2011, mais jusqu'à février 2012, nous n'avions que cinq chansons jugées dignes d'être sur album. On en avait un tas de plus en chantier, mais on trouvait que c'était de la merde. On a fini par jeter un tas de choses, puis par recommencer à zéro. Ça nous a évidemment donné encore plus de stress. Bref, la morale de cette histoire, c'est que ça prend toujours trois ans, et que se fixer des échéances, ça ne fonctionne pas pour tout le monde.
Tu chantes toujours autant à propos d'espions, mais maintenant, vous touchez aussi au sujet des prophéties. D'où vient cet intérêt?
Eh oui, comme je dis toujours: je vis une vie très plate. Le sujet des espions me donne des idées, des histoires; ça me met dans une sorte de transe et les flashs abondent. Si je m'inspirais de ma propre vie, ça risquerait de donner des chansons à propos de reverb et de consoles (rires). Quant aux prophéties, ça vient de la mort du père d'Olga, il y a deux ans. On travaillait déjà sur cet album. Ça l'a fait écrire beaucoup à propos du destin, de la foi, de l'espoir… Il y a quelques idées sur la spiritualité et le mysticisme qui se sont infiltrées. Ses textes sont beaucoup plus intéressants que les miens, je trouve. Olga a une façon captivante de voir le monde et ça fait de bonnes chansons.
Je sais que tu es féru de shoegaze, alors je dois te demander ce que tu penses du nouvel album de My Bloody Valentine.
J'ai d'abord été très sceptique quand on a annoncé sa sortie! On m'a dit un matin que l'album allait sortir sur le site du groupe le soir même. Ma réaction a été de dire: «ouais, ouais, j'y croirai quand je le verrai.» Je trouve l'album super! J'ai entendu qu'ils avaient fait un autre album avant ça, et qu'ils l'avaient foutu aux poubelles. En ce qui me concerne, MBV sonne comme un prolongement de Loveless et c'est parfait ainsi! Personne ne voudrait autre chose. C'est un gros disque. Évidemment, ce n'est pas Loveless – ça ne pourra jamais l'être –, mais je pense que c'est quand même assez cool.
The Besnard Lakes
13 avril | Cabaret du Mile-End
5240, Parc
avec Freelove Fenner
thebesnardlakes.com