Imagine. Ta copine (ou copain), avec qui tu partages ta vie depuis quelque temps, t'apprend qu'elle est témoin d'un phénomène paranormal. Admettons que toi, t'aies jamais vu ça des fantômes. Pis là, hyper-curieux, tu lui demandes de développer davantage. Tu mènes ta petite enquête pour vérifier si elle n'aurait pas confondu le micro-ondes avec une silhouette d'enfant sur une balançoire. (Ça, c'est ta conception d'la vie qui te donne des arguments pour ne pas y croire.) Mais nope, pourtant bien certaine, elle t'assure dire la vérité. Même qu'elle te confie ne pas en être à ses premières manifestations surnaturelles.
Quand ça arrive à des inconnus, tu t'permets un peu d'être sceptique, parce que plusieurs facteurs peuvent être considérés. D'autant plus qu't'as pas trop envie de modifier la conception qu'tu t'es fait d'la vie. Pas maintenant, ni par la faute d'une connaissance/inconnue. Mais quand c'est ta copine ou une personne qui t'est très chère, avec qui ta relation est basée sur l'honnêteté, là, t'as comme plus le choix de ressortir le dossier du surnaturel que t'espérais ne plus dépoussiérer. Et il reste ouvert pour de bon.
Si j'fais un préambule sur le scepticisme face aux fantômes, c'est que j'suis découragé. Je ne sais plus quoi faire pour que tu ne refermes plus la porte aussi rapidement à l'idée qu'il se fait effectivement plusieurs abus policiers pendant les manifestations, et même que ça va de mal en pis. On dirait que tu deal avec ça d'la même façon que si on t'admettait avoir aperçu un OVNI. T'es incrédule, parce que toi, dans ta vie de tous les jours, le policier te sourit. Il te laisse une chance avant d'te remettre une contravention. Il te sauve peut-être même la vie. Soit.
Évidemment qu'il peut aussi bien faire son job, comme les entrepreneurs qui témoignent devant la Commission Charbonneau faisaient sûrement du boulot efficace. C'est seulement que le soir d'une #manifencours, il ne te distinguerait plus du reste du groupe, parce qu'il légitime ses abus en catégorisant. Comme tu le fais pour t'imaginer qu'une personne qui manifeste mérite de se prendre des coups de matraque. Tu n'arrives pas à t'avouer que des policiers puissent abuser sans raison, autrement, ils perdraient leur emploi, non? Eh bin non. C'est ça qu'on tente de te faire comprendre depuis le printemps passé. C'est ça qui commence à faire peur, aussi.
Avant, j'étais un peu comme toi. Mes amis qui militent depuis longtemps m'ont toujours parlé de leur méfiance à l'égard de la police. Ouin, bof, je laissais la porte entre-ouverte sur la possibilité que peut-être que… Mais en même temps, les connaissant, j'me disais qu'ils devaient un peu l'avoir cherché. Je n'étais pas prêt à changer la perception que j'avais des flics (plutôt neutre) sans l'avoir vécu personnellement. Y'a fallu que j'me rende dans une manif pour comprendre et que j'y voie des amis se faire battre. Depuis un an, j'ai l'impression d'me trouver dans un film tellement les choses se passent de manière étrange. On se retrouve face à des humains qui s'accordent des permissions qui vont au-delà de c'qu'on peut imaginer.
Pour que tu comprennes bien la scène, visualise que t'assistes à un braquage de banque en plein jour, au centre-ville, pendant que toutes les chaînes de télé et journalistes sont sur place. Tu te dis alors: «Bin là! Y'a tellement de témoins, tellement de preuves, tellement de caméras! Aucune chance qu'il s'en tire!» Et il s'en tire.
Et ça, j'aimerais vraiment que tu y croies. Que tu prennes la peine d'en discuter avec quelqu'un qui ne saurait te mentir. Qui sait, peut-être qu'il te ferait dépoussiérer ton dossier sur les méfaits policiers.
Je te déteste.