Critique du film «To The Wonder»: une réflexion un brin fleur bleue sur l’amour signée Terrence Malick
Sarah LévesqueLe très attendu «To the Wonder» marche dans les pas du grand gagnant de la Palme d'Or 2011, «The Tree of Life». Et peut-être même, dans son ombre.
Terrence Malick ne nous avait aucunement habitués à ce rythme créatif. Deux films en moins de deux ans révèlent que le réalisateur se trouve dans une belle zone de confort. Autrefois, il préférait les sorties furtives, mais colossales à tous les dix ans, lui qui compte six longs métrages à son actif. Mais le Malick d'aujourd'hui est différent. Celui qui admet avoir actuellement trois films en montage a visiblement trouvé une façon de faire qui lui est propre. Certains lui reprocheront ses tics cinématographiques, d'autres parleront de signature. Vous aurez devinez… Le très attendu To The Wonder marche dans les pas de The Tree of Life, grand gagnant de la Palme d'Or 2011. Et peut-être même, dans son ombre.
L'histoire
Avec To the Wonder, Terrence Malick nous raconte sans se dévoiler sa propre histoire, celle d'un homme pris entre l'amour d'une Française qu'il amène avec lui dans sa petite ville natale d'Oklahoma et les retrouvailles de sa flamme d'adolescence, qui le questionne sur ses sentiments. Bien que To the Wonder se veut une réflexion sur l'amour, ce lien qui nous unit et nous sépare d'un individu, une vague impression de baigner dans un «film Harlequin», un brin fleur bleue, survient. Car malgré l'aspect autobiographique de cette histoire, Malick n'arrive pas à nous faire ressentir la puissance du sentiment amoureux, voire même du désir, comme l'avait fait Wong Kar-wai dans In the Mood for Love. Ici, l'amour nous glisse sur la peau et pénètre rarement le coeur. Ben Affleck, qui ne prononce pas une seule parole, a tout simplement l'air d'une grande brute aux prises avec de sérieux problèmes communicationnels. L'acteur américain a lui aussi été surpris de se voir résumer à cette simple image. Mais il est, semble-t-il, loin d'être l'unique victime des nombreuses coupes. Certaines comédiennes sont tout simplement absentes de cette version finale, telles Rachel Weisz et Jessica Chastain. Malick réécrit visiblement ses films en salle de montage.
La maladie de Malick
Alors quelle est la maladie de Malick, ses façons de faire qui font aujourd'hui de lui un réalisateur qui a trouvé sa formule? Il y a ce montage effréné d'images qui ne permet pas les dialogues et qui peut dans le pire des cas donner l'impression de vivre un long vidéoclip. To the Wonder, qui raconte les histoires d'amour de Neil (Ben Affleck), un homme qui marie une Parisienne (Olga Kurylenko) et qui retrouve en cours de route un amour d'adolescence (Rachel McAdams), fut le travail de cinq monteurs. Un fait rarissime dans l'univers du cinéma. Il y a aussi cette trame narrative en voix hors champ qui est une véritable bouée, une fenêtre vers l'intériorité d'un personnage. La voix de Marina – la Parisienne aux origine slaves – est essentielle pour éprouver un lien avec cette fille qui quitte tout pour un homme de si peu de mots. Et il y a également cette caméra, une Steadicam, qui reproduit toujours le même mouvement vers l'avant, et vers le haut, à la recherche d'une lumière douce, d'un supplément d'âme.
Mais un film de Terrence Malick, ça reste aussi une expérience spirituelle. Et malgré ses nombreux irritants, To the Wonder offre un cinéma hors norme, qui se moque haut et fort des formules scénaristiques hollywoodiennes. Exit les histoires faciles arrangées par le gars des vues. To the Wonder ose se questionner sur l'amour, sa grandeur et son étiolement qui nous guette un jour ou l'autre. Et c'est là que Malick brille. Lorsqu'il plonge dans le très fond de l'âme humaine à travers les petites actions du quotidien, les ciels, les champs et même, les fonds marins.
Non, To the Wonder n'a pas la puissance de Tree of Life, mais il n'en demeure pas moins un ovni qu'on affectionne, une expérience enivrante qui questionne notre humanité.
To the Wonder
En salle dès le 26 avril