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Yvan Attal joue avec les codes de la masculinité (et de la porno) dans «Do Not Disturb»
Crédit: L'acteur et réalisateur français nous parle des défis relatifs aux remakes, du casting déjanté de sa femme (Charlotte Gainsbourg) et de sa réticence à encenser le « cinéma d’auteur ».

Règle générale, c’est Hollywood qui emboîte le pas en ce qui a trait aux remakes. Les grands studios américains ont aiguisé leurs instincts (parfois très douteux) pour reprendre des formules ayant déjà fait leurs preuves à l’étranger. Dans le cas de Do Not Disturb, c’est plutôt l’inverse : des producteurs français ont fait appel à Yvan Attal (Ma femme est une actrice, Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants) pour réaliser sa première adaptation, soit celle d’un sympathique film indie américain (Humpday de Lynn Shelton, prix spécial du jury à Sundance) offrant une réflexion comique et sensible sur la masculinité.

Le remake français reste somme toute très fidèle à l’original : deux potes hétéros de longue date se retrouvent après s’être perdus de vue. La vie de l’un est aux antipodes de l’autre : quotidien rangé avec jolie copine pour Ben (Attal), aventures d’un bohème barbu qui vagabonde sans jamais penser à demain pour Jeff (François Cluzet). Lors d’une fête arrosée de retrouvailles, un couple de lesbiennes (Charlotte Gainsbourg et Asia Argento, qui volent la vedette aux têtes d’affiche) lance l’idée que les deux gars devraient filmer une scène de sexe gai afin de remporter le grand prix d’un festival de porno amateur. S'en suivront de nombreux rebondissements avant d'arriver à la concrétisation (ou non…) du fameux pari, caméra numérique à l’appui, dans une chambre d’hôtel. NIGHTLIFE.CA a rencontré le réalisateur, scénariste et interprète Yvan Attal lors du Festival international du film de Toronto en septembre dernier pour discuter des défis relatifs aux remakes, du casting déjanté de sa femme (Gainsbourg) et de sa réticence à encenser le « cinéma d’auteur ».

Étant donné que le Humpday américain avait obtenu un accueil des plus chaleureux du public et de la critique, craigniez-vous les comparaisons à l’original? 
Le fait du remake ne m’effraie pas, et je trouve que c’est un exercice intéressant, c’est comme quand on un monte un Shakespeare pour la millième fois. Pourquoi le fait-on? Parce que l’œuvre est intéressante, parce que la partition est intéressante. Humpday n’a pas été vu en France. Évidemment, je ne me serais pas attaqué au remake de Titanic! (rires) Si mon film est aussi l’occasion de voir l’original, pourquoi pas?

Les deux protagonistes dans votre remake sont plus âgés que ceux de Humpday, et il s’en dégage forcément une réflexion sur la crise de la quarantaine. C’était voulu dès le départ?
Absolument, j’avais envie de jouer un des rôles, et c’est vrai que je suis plus vieux. Du coup, ça remet plus en question la vie que ce personnage a avec sa femme; ce n’est pas quelqu’un qui commence un type de vie. Il est avec sa copine depuis un certain temps, il a renoncé à une vie pour en assumer une autre. Quand son copain arrive, c’est l’occasion pour lui de remettre en question plusieurs choses.

À quelle étape s’est imposé le choix de votre femme comme partenaire amoureuse d’Asia Argento?
Au départ, elle n’était pas sensée être dans le film. Quand Asia Argento est arrivée, je trouvais ça intéressant d’avoir Charlotte car je sais qu’elles pourraient former un couple intéressant. En miroir, je trouvais intéressant d’avoir Charlotte qui joue une fille ayant changé de sexualité alors que moi, dans le film, je pouvais aussi, éventuellement, changer de sexualité. C’était une manière intéressante de continuer à explorer le sujet. C’est pas un film sur l’homosexualité à la base, et il y a quelque chose de très touchant là-dedans : de savoir qu’on a le désir qu’on a, et c’est ça qui compte. Je crois qu’on se moque bien plus des hétérosexuels : la virilité des hommes qui veulent jouer des hommes est mise en mal.

Vos premières amours sur grand écran remontent aux grands films américains des années 1970. À quel point ces films ont-ils joué un rôle de premier plan dans votre cheminement?
Comme beaucoup de gens de ma génération, les metteurs en scène et les acteurs d’une certaine époque – Woody Allen, Francis Ford Coppola, Sidney Lumet – ont façonné ma vision du cinéma. Quand on a 14-15 ans, et qu’on se pose un certain nombre de questions dans la vie, vous trouvez les réponses dans les films de cette époque. Les grands films sont ceux qui arrivent à réconcilier les cinéphiles et le public.

Je déteste l’appellation « cinéma d’auteur ». Je ne comprends pas ce que ça veut dire. Il y a une contradiction et une prétention là-dedans, quelque chose qui divise les gens. Ça fait peur au public, ça effraie des gens qui auraient une petite éducation de cinéma. Souvent, les meilleurs films sont ceux qui réconcilient tout le monde. Jacques Audiard en est un bon exemple : avec De rouille et d’os et Un prophète, c’est un cinéaste qui arrive à réconcilier le public et les cinéphiles.

Do Not Disturb
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