Admettons là que le maire de Montréal lançait l'idée d'un règlement municipal visant à interdire l'accès aux chiens sur les trottoirs de la métropole. Les raisons évoquées? Ce serait plus sûr pour la sécurité du canin qu'on laisse toujours trop longtemps attaché à un poteau, parcomètre ou clôture à -40°C, entre autres. On voudrait aussi empêcher que sa merde s'accumule, gracieuseté d'un maître qui s'efface sitôt le crime commis, incognito.
Admettons maintenant que le contexte socioculturel est bien spécial puisque dernièrement, les chiens n'ont plus autant la cote auprès des humains. Grosse propagande médiatique; les chaînes de nouvelles en continu ont consacré des centaines d'heures à interroger des victimes de chiens de petite-moyenne-grande taille. On aime bien celui qui réside à notre domicile, mais la méfiance à l'égard de celui des inconnus ne fait que s'accroître. On craint pour la vie de nos enfants, qui pourraient se faire sauter à la gorge ou crever un oeil.
La proposition est lancée, le débat également.
On sonde les gens, qui, en grande partie, semblent d'accord avec le projet de loi. On observe les réactions sur les médias sociaux pis on s'aperçoit qu'il y a une incompréhension au niveau des raisons qui motivent un tel règlement: personne n'a vraiment pris connaissance de celles-ci, mais tous approuvent avec une agressivité hors du commun.
«ler chien on lair gentil comme sa mait kan on ler aproche i nou morde !!!! sa paret ta po d'enfant toi pcq sinon tu conprendrait kon veut po ki sfasse ataker par un gros criss de rottweller enrager !!!! japrouve se reglement la pi seu ki son po contant on ink a sajeter un chat po conpliker crisse !!!»
Donc, récapitulons: le règlement veillerait à la sécurité du chien et viserait à enrayer la négligence de son propriétaire en territoire public. Monsieur-madame-tout-le-monde se dit soulagé qu'une telle loi entre en vigueur parce qu'il commençait CRISSEMENT à s'inquiéter du bien-être de ses enfants qui pourraient bien faire les manchettes après que d'énormes dents leur aient arraché un minuscule bras.
«yetait tant ke le maire mette ses culot !!! asser c asser !!! sa sufi ler danger a 4 patte la!!!»
Le projet de loi, même si controversé chez les experts et intellectuels, se voit donc accepter par une majorité, mais pas pour les raisons initialement évoquées. La mauvaise interprétation par #lesgens lui donne un nouveau rôle, celui de diaboliser le meilleur copain de l'homme, quoi qu'on puisse en dire à la mairie.
Malgré ses bonnes intentions, on n'arrive pas à concevoir que le maire n'ait pas vu venir le coup pis on se demande si, maintenant que son projet de règlement s'est vu récupérer et approuver par les représentants de l'ignorance, il ira malgré tout de l'avant, parce qu'après tout, en signant ce contrat avec les citoyens, il endosse leur vision des choses. On s'dit que ça relèverait du domaine de l'irresponsabilité, mais surtout, de l'idiobécilité.
Et c'qui s'passe au Québec en c'moment, c'est pas mal ça. Sauf qu'ici, ce ne sont pas des chiens qui sont diabolisés mais des humains. Et Drainville aura beau se démener à nous faire avaler sa charte des valeurs, la réalité veut qu'une majorité de crétins l'interprète de façon à renvoyer chez eux des "étrangers" qui "veulent tout changer", et que, si on ne fait rien maintenant, d'ici 5 ans "les femmes seront obligées de porter le voile". Et sachant ceci; aller de l'avant serait une tabarnack de catastrophe.
Je vous déteste.