Depuis quelque temps, dans le métro de Montréal, on peut observer des panneaux publicitaires de la chaîne TV5. Une campagne qui semble vouloir positionner la station comme intellectuelle, ou du moins, instructive. Et pour nous charmer (mettons qu'on est intellos, là), elle s'est dégoté un bouc émissaire: le douchebag. En tout cas, on devine qu'il s'agit de lui, puisqu'on fait référence au dude qui s'entraîne et ne mise sur rien d'autre que son physique, plutôt que de s'installer devant une émission sur TV5 (ou de s'foutre le nez dans un bouquin).
«SI VOUS NE REGARDEZ PAS TV5, MISEZ TOUT SUR VOTRE PHYSIQUE.», qu'on peut y lire.
J'ai un malaise.
Bien que j'me situe à des années lumière du gars stéréotypé qui passe des années lumière au gym, j'pense qu'on peut maintenant commencer à considérer le laisser vivre un peu.
Au tout départ, c'était d'la satire, mais l'affaire avec la satire, c'est que c'est drôle quand t'arrives à mettre le doigt sur un malaise collectif n'ayant pas encore été exploité. Genre, en 2007, quand tu dénotes une corrélation entre stéroïdes/Ed Hardy pis ignorance. Après, c'est de l'acharnement
Le common knowledge est puissant: c'est quand tu remarques que d'autres ont remarqué, mais qu'en plus, sans te consulter, quelqu'un se prononce sur le phénomène avec la certitude que tout l'monde avait déjà remarqué. On met tout ça dans une boîte pis on y trouve un nom. En gros, voilà comment est né le douchebag.
Mais le prob maintenant c'est qu'on n'est plus vraiment dans l'humour, ça fait partie des moeurs. On ne permet plus à l'autre d'exister avec ses différences. On s'en sert pour donner du relief à ce qui nous rend si uniques via notre intérêt pour les arts, la culture, le cinéma ou la littérature, aux dépens de ceux qui ne séjournent pas dans les bibliothèques. On peut alors s'en prendre impunément au gars musclé qui soigne son apparence, sans même que personne ne s'offusque de notre comportement.
On s'y prend d'une façon des plus malhonnêtes pour célébrer qui nous sommes en reprochant vivement à Monsieur Muscles qui flâne dans les parkings de McDo de ne pas lire Sartre plutôt que d'regarder Occupation Double. Mais on le SAIT pertinemment que l'inverse ne nous rendrait pas si confortables. L'essence de notre identité sociale repose grandement sur ce dude qui n'en a rien à tabarnacrisser d'la philo. On ne tient pas réellement à ce qu'il ouvre un livre, soyons honnêtes. Ça fait plutôt notre affaire.
Et TV5 se sert de ça pour nous vendre sa chaîne.
Dans le même ordre d'idées, j'ai récemment fait le saut au végétarisme (depuis 2 mois) pis à chaque fois que j'en fais la promo sur les médias sociaux, j'suis toujours étonné d'me faire sauter à la gorge par un groupuscule d'initiés qui, d'un ton méprisant, n'hésitent pas à faire remarquer que C'EST DONC BIN TRENDY DEVENIR VÉGÉ, CES TEMPS-CI.
J'veux dire, on peut trouver risible que tout l'monde s'intéresse, avec 2 ans d'retard, aux tendances urbaines (HEY TOUT L'MONDE, J'FAIS DU CROSS-FIT!), mais se sentir menacer par le virage mainstream que semble vouloir prendre le végétarisme, c'est contradictoire. M'semble qu'on ne peut que s'en RÉJOUIR. Rendu là, tu devrais peut-être forger ton personal branding sous un thème à conscience moins sociale, si tu refuses que d'autres s'y intéressent; c'est quand même un peu ça l'idée, tsé.
Je te déteste.