FNC 2013: Entrevue avec l’équipe de la série «Les Revenants», monstrueux succès en France
Paul CongeÀ peine débarqués à Montréal par avion, alanguis de jetlag, Jimmy Desmarais et Pierre Perrier, producteur et jeune comédien de la série française Les Revenants, sont déjà vivement sollicités. Tour à tour, et toute la journée, des journalistes de tous bords se relaient sur les fauteuils rembourrés du Quartier Général du FNC, pour un court aparté avec ceux qui, à leurs yeux, pourraient bientôt venir percer le petit écran québécois à grand bruit. Rien d’étonnant: le succès télévisé de la série, en France, a toutes les chances de se téléporter ici.
On nous promet, avec Les Revenants, du soap fantastique novateur. Plus psychologique, moins « zombiesque ». Fil rouge: des gens, morts depuis des années, réapparaissent subitement, dénus de souvenirs; ils cherchent, l'air de rien, à reprendre la place qu'ils ont perdue. Misant beaucoup sur son esthétique éthérée et son ambiance blafarde, la série puise ses influences dans les univers de Kubrick et de Bret Eatson Ellis. Et, si l’ensemble souffre de petits défauts (tic du twist de dernière minute, poncifs, dialogues préfabriqués), le défi semble réussi, et l'emballement général ne surprend pas. La première saison (la seule, à ce jour) sera diffusée courant 2014 au Québec. En coulisse, on murmure qu'une deuxième saison est déjà sur les rails…
NIGHTLIFE.CA: Les Revenants fait revenir des gens morts depuis des années. Drôle d’idée, à quoi ça sert?
Jimmy Desmarais: C’était un moyen de parler des relations de la vie, des relations amoureuses, amicales, familiales. Ce qui a toujours été au cœur de la série, le présupposé, c’était de savoir comment on réagirait, quand on a aimé, quand on a fait le deuil, quand la vie a continué, si la personne qui était là revenait. Que sont devenus nos sentiments ? D’un point de vue intime et émotionnel, on se pose la question de savoir comment on gère l’impensable.
C’est sûr qu’on n’est pas devant des zombies ordinaires. On est devant des êtres humains à peu près normaux…
Jimmy: Je manie le mot « zombie » avec précaution. La série est tirée du film Les Revenants produit par Haut et Court, qui fonctionnait avec ce présupposé: les morts ne sont pas dégradés physiquement. On n’est pas du tout dans les codes habituels du zombie. Ce concept nous a paru vraiment génial. On s’est dit que ça pouvait fonctionner pour une série.
Pierre Perrier: Le genre « zombie » est vieux: il a 50 ou 60 ans. Il se trouve qu’il y a eu énormément de films et de séries sur ce sujet en ce moment. Le défi intéressant, c’est de ne pas considérer les revenants comme des zombies. Ils ont la parole, sont revenus en chair et en os. C’est du fantastique traité comme un film d’auteur.
Une raison particulière pour aborder maintenant le thème de la résurrection ?
Jimmy: On a surtout éprouvé un désir de « genre ». Pas de l’horreur, pas de gore: ça nous permet de pénétrer sur les territoires du genre en restant dans l’humain et la psychologie, et de s’adresser à un public moins ciblé. À la sortie, Les Revenants a touché tous les âges, les hommes, les femmes, les vieux, les jeunes… Je lisais les commentaires sur Twitter pendant les diffusions pour me faire une idée!
1,4 million d’auditeurs en moyenne lors de la diffusion du pilote, meilleure audience globale pour une série Canal+… Pourquoi est-ce que le public accroche?
Jimmy: En France en tout cas, c’est déjà une découverte de voir du fantastique à la télé. La série transporte dans un univers très fictionnel, esthétique, narratif, etc. C’est un monde complexe, et chacun peut se reconnaître dans une des situations: l’histoire d’amour impossible, les deux sœurs qui se retrouvent…
Pierre Perrier / Photo : Paul Conge
Pierre, tu joues un personnage central (un des revenants) dans la série. Ça change quoi de jouer un mort?
Pierre: Dans le contexte fantastique, il n’y a pas de référence dans le réel. Le premier défi, c’est de virtuellement se projeter et se demander comment on réagirait. C’était pas facile, et extrêmement excitant. Simon est taciturne, solitaire en quête d’amour. Pour coller au personnage, Fabrice Gobert [le réalisateur] m’avait parlé des figures romantiques classiques de la littérature, il me disait que je pouvais être un Dorian Gray [Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde].
Simon, ton personnage, retrouve son ancien amour, Adèle, dix ans plus tard. Elle le croit mort, il revient, inchangé. Que peut devenir une relation pareille?
Pierre: La relation avec Adèle n’est plus constructible. On ne sait pas pourquoi il a disparu, il y a beaucoup de zones d’ombre, il a fait beaucoup de mal en disparaissant. Tous ceux qui ont perdu un proche ont des remords, il y a des choses qu’on aurait aimé dire et faire avant leur mort… Ici, tous sont placés dans une situation impossible.
Les Revenants, épisodes 1 et 2
Présenté dans le cadre du Festival du nouveau cinéma au Cinéma du Parc ce soir à 19h (gratuit)