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De Griffintown à Haïti, entrevue avec l’auteure et ex-NIGHTLIFE.CA, Marie Hélène Poitras
Crédit: Maxyme G. Delisle

À peine deux minutes se sont écoulées en compagnie de l'auteure Marie Hélène Poitras au Salon du Livre de Montréal, qu’elle débouche déjà une bouteille de rhum haïtien, ramené d’un voyage. Subtile façon de résorber notre sens critique?

Du journalisme et de la fiction

Son parcours est une corde tendue entre la littérature et le journalisme. Après un CÉGEP en lettres, elle bifurque pour un bac en journalisme. Quatre livres derrière la cravate, elle a aussi collaboré à Voir.ca, au NIGHTLIFE.CA, puis a travaillé comme éditrice à Zone d'écriture de Radio-Canada. Avec une préférence affichée pour la littérature: elle aime la «liberté de la fiction», contrairement au «journalisme, qui est l’art de raconter des histoires de façon objective», explique-t-elle.

Son dernier-né, Griffintown (2012), raconte les tribulations d'une cochère à Montréal, façon Far West. Est-ce bien Cormac McCarthy qui lui a inspiré la manière de «faire advenir le western» en littérature? Certainement, mais bien d’autres questions nous taraudaient. 

NIGHTLIFE.CA: Pourquoi est-ce que les journalistes écrivent des livres?
Marie Hélène Poitras : «Dans mon identité, je suis écrivaine, mais il faut que je paye mon loyer. Beaucoup de ceux qui voudraient gagner leur vie avec leurs mots sont journalistes par la bande. Au Québec, peu d’écrivains vivent de leurs plumes. Un best-seller ça représente entre 6000$ et 10 000$. Quand tu mets 3 ans à l’écrire, ça prend un travail à côté…»

Du journalisme au roman: facile, comme transition?
«Je traînais avec une gang d’auteurs de poésie qui étaient inquiets de l’empreinte qu’allait laisser le journalisme sur mon écriture. Mais c’est plutôt le côté écrivaine qui a teinté mon rapport au journalisme.»

Qu’est-ce qui t’as mené au roman?
«Quand j’étais super jeune, je mentais par plaisir d’inventer des histoires. J’avais même mis en scène mon propre kidnapping… Je me mettais à la place des autres. Écrire, pour moi c’est faire cet effort d’empathie. Je ne suis pas dans l’autofiction.»

Quelle littérature lisais-tu, jeune?
«Adolescente, je lisais des trucs thrash : Moi, Christiane F., 13 ans, droguée et prostituée, L’Herbe bleue… Je cherchais des émotions fortes. Mes principales influences ont été Anne Hébert, Raymond Carver, et Cormac McCarthy

Est-ce plus facile pour la visibilité d'être à la fois critique et auteure?
«Les gens pensent cela, mais pas nécessairement. Il y a de moins en moins d’espace accordé à la littérature. Les critiques sont moins présents dans les médias.

Je pense que ce n’est pas si évident d’être critique au Québec. Quand je travaillais au Voir.ca, j’avais donné une opinion mitigée de We Are Wolves. Après ça, j’ai booké une entrevue avec le groupe, et le chanteur ne voulait pas dialoguer avec moi. Toi qui viens d’Europe, peut-être t’es-tu rendu compte qu’il y a une certaine complaisance de la critique médiatique au Québec?»

En France aussi. Les artistes sont plus habitués à la promotion médiatique qu’à la «critique».
«On voit moins d’échanges corsés ici. On n’a pas l’équivalent d’On n’est pas couchés [magazine télé français réputé pour ses clashs]. Tout le monde en parle est beaucoup plus soft

Certaines critiques te comparent à Cormac McCarthy ou à Michel Tremblay. Qu'en penses-tu?
«Quand ton livre devient… un livre, avec un code ISBN, il y a un petit deuil à faire: les gens vont le recevoir avec leur bagage de lecture. Et ça peut être surprenant et intéressant. Je ne sais pas vraiment le lien que fait le monde entre moi et Michel Tremblay

Des projets à venir?
«Je viens de lancer Bonjour Voisine. Je suis allée en Haïti en mai avec une trentaine d’auteurs et d’éditeurs. En revenant, je les ai invités à écrire là-dessus, rapidement, car le Salon du livre approchait, la tête encore dans les brumes vaudou…»

Bonjour Voisine | Collectif Haïti-Québec
Editions Mémoire d'encrier