L'année dernière à quasi pareille date, on laissait derrière nous un grand 2012, sans fin du monde, ni Jean Charest. L'année où on avait de quoi être fiers, où les p'tits jeunes ont réveillé le Québec au grand complet, l'année qui ramenait le féminisme au goût du jour. On s'est rassemblés pour se faire entendre, mais aussi pour révéler le véritable visage de nos politiciens et policiers. C'était beau.
Pis, est arrivée 2013. On dirait qu'on ne savait plus quoi faire de cette soif de justice, comme si 2012 avait laissé tout le monde sur sa faim. J'ai eu l'impression que plusieurs abandonnaient la rue pour concentrer tous les efforts sur Facebook, à la conquête perpétuelle d'un coupable de je-ne-sais-quel-crime.
En 2013, toute raison devenait excellente pour s'indigner d'un rien. On s'est soucié plus que jamais du narcissisme des autres, à savoir si ce dude ou cette fille se prenait réellement pour un(e) autre. Dans le cas échéant, TOUS AU CLAVIER. L'égo de cette personne semble démesuré pis on deal FUCKING MAL avec ça. RETIRER DE LA LISTE D'AMIS.
À ce sujet, une amie, m'a même confié avoir unfollow un gars sur Instagram parce qu'il ne publiait QUE des belles photos prises avec sa Canon et retouchées sur Photoshop. «Il le sait bin qu'trop qu'elles sont belles ses photos, Y M'ÉNARVE!». J'ai trouvé ce comportement plutôt révélateur et à l'image de l'année qui tire à sa fin.
Également, un banal et obscur blogspot sans lectorat aurait pu s'adonner à du vieux slutshaming rétrograde qu'il se serait attiré la colère d'un groupuscule d'influenceurs qui en aurait fait un drame national dans les heures à suivre. Sans s'en rendre compte, on faisait dans un sensationnel qui s'apparente à celui constamment reproché au Journal de MTL.
Mais par-dessus tout, les «Ark.» pis les «Ouf.» se sont transformés en ultimes armes de débats Facebook. Symboles de la fermeture au dialogue, ces mots de trois lettres laissaient entendre que son auteur avait déjà tout compris en ayant lu un texte sur La Presse plus tôt ce matin-là et qu'il n'y avait plus rien à débattre. Dossier réglé et ceux qui n'adhéraient pas à cette ligne de pensée se voyaient distribuer des «Ark.», des «Ouf.» pis des «J'VAIS ALLER PRENDRE UNE MARCHE, MOÉ.» en commentaire.
C'était aussi l'année du passif-agressif. Fuck, oui. Au lieu de répondre directement sur un statut Facebook avec diplomatie, on préférait en refaire un autre où on évoquait vaguement celui visé pour récolter un max de likes et s'éviter un débat sans fin. On observait les likes passifs-agressifs entrer à une vitesse hallucinante en y revoyant le visage des mêmes gens qui ont préalablement liké tous les commentaires qui confrontaient le propriétaire dudit statut controversé.
Statuts et commentaires moralisateurs étaient réservés aux cas les plus futiles. Intransigeance, manque d'écoute et mauvaise foi. Beaucoup d'accusations, très peu de questions posées. Urgence de se dénicher un bouc-émissaire, de censurer, d'user des nouveaux pouvoirs récemment découverts. Peu à peu, on s'en servait davantage pour faire fermer la gueule des gens qui nous gossaient, de ceux qui étaient pourtant de notre bord en 2012. On a fait de l'ombre à ce qui était pas mal plus important que nos règlements de comptes avec les gens qui froissent l'égo. Le citoyen semblait désormais une meilleure proie que nos gouvernements.
En cette fin d'année 2013, c'est là que nous en sommes dans l'épanouissement de notre petite communauté virtuelle. Dans sa crise d'ado, où professionnels, intellectuels et militants ont finalement tous 14 ans. Où les moins initiés découvrent tranquillement le darkside qui se développe seulement en meute numérique, celui que les ex-forumeurs des mid-00s peuvent facilement reconnaître avec du recul. Où opinion devient chialage et chialage se métamorphose rapido en acharnement.
J'espère au moins que ce passage en était un nécessaire et qu'on pourra finalement retourner aux choses sérieuses en 2014.
Je vous déteste.