Le moins qu’on puisse dire de Gabriel Nadeau-Dubois, c'est qu’il est loin de faire consensus. De là sa persistance. Car le monde se lasse vite des sirupeux, des fers à lisser. Bon an mal an, il n'y a guère de doute que le minimum (syndical) qu’on pourra lui reconnaître, c’est sa verve oratoire, son timbre percutant, sa passion envers les poèmes qu’il cite. Sa musicalité.
L’ancien porte-parole des grèves étudiantes a refait surface avec Tenir Tête, le fameux livre qui revient sur les mobilisations, avec le recul et la tête froide. «GND», à présent, est sur le point d’entamer une maîtrise en sociologie, projet un peu retardé car «ralenti par son éducation politique», confie-t-il au téléphone. Si, depuis l'an dernier, l’ardeur des foules s’est édulcorée, le souvenir qu’il garde des mobilisations est très vif. Normal, cette « lutte » véhicule sa culture politique, sa désobéissance civile, fondues dans un folklore militant passé à la postérité.
En se rappelant les chansons «Choisis ton côté» et «Voir Rouge», composées à l’occasion des grèves, on s'est demandé ce que peut être un mouvement social sans musique. Pas grand-chose. Il n’est de lutte sans toile de fond sonore. Gabriel est au courant : « Les luttes politiques, toutes les grandes mobilisations, sont portées par la musique ».
De fil en aiguille, on lui a donc demandé la playlist des grèves étudiantes.
1. La Route que nous suivons, Douze hommes rapaillés
« La poésie de Gaston Miron a vraiment été citée dans les discours pendant la grève. Les paroles de la dernière strophe du poème La Route que nous suivons ont été reprises sur les pancartes. Cette chanson de l’album des Douze Hommes Rapaillés a été faite à partir de la poésie de Miron. Elle évoque la grève, elle véhicule la résistance collective. »
Judicieuse fusion, peut-être involontaire, entre l’Homme Rapaillé de Miron et les Douze hommes en colère de Lumet, les Douze hommes rapaillés se fendent de textes engagés et poétiques. Il cite de mémoire : « Nous avançons nous avançons le front comme un delta / Nous reviendrons nous aurons à dos le passé / et à force de porter en haine toutes nos servitudes / nous serons devenus des bêtes féroces de l'espoir. On sent très bien l’indignation, l’espoir. »
2. On lâche rien, HK & Les Saltimbanks
« On lâche rien est beaucoup jouée dans les manifestations en France. C’est une chanson entraînante qu’on jouait dans les rues pendant la grève, une chanson incontournable d’un groupe de jeunes qui viennent des milieux populaires et d’immigrants. Elle parle de persévérance, de la nécessité de ne rien lâcher dans la lutte pour la justice. Je crois qu’elle témoigne du sentiment qu’ont les gens pendant les toutes les manifestations. »
3. Le Tour de l’île, Félix Leclerc
« C’est un choix plus personnel. Pour moi, Félix est un des plus grands poètes de l’histoire. C’est un magnifique texte. À mon sens, le plus beau écrit sur le Québec, sur l’indépendance et la justice sociale. C’est une chanson incroyable, époustouflante de beauté. Un mélange d’indignation et d’amour du pays. »
4. Sans la nommer, Georges Moustaki
« Moustaki est décédé cette année. C’était un grand militant politique. Sans la nommer une belle chanson sur la lutte, la résistance, qui témoigne de cet attachement quand on se donne corps et âme pour une cause. Il y a cet aspect romantique, cet abandon amoureux et en même temps déchirant. »
5. Transistors, Louis-Jean Cormier
« J’hésite pour le dernier. L’album de Cormier a été célébré par tout le monde. Je ne veux pas parler à la place de Michel Gerin, mais elle parle des questions écologiques et d'environnement, de la proximité de la catastrophe et de la nécessité de corriger le tir. Souvent, la musique engagée vient assécher les choses, en étant trop politique, mais là, ce n’est vraiment pas ça. C’est de très grande qualité. »