Qui, en 2014, s'impressionne encore d'une centaine de likes sur un statut Facebook? Bon, sûrement plein d'gens, mais j'veux dire, on n'est bien loin de l'exploit, maintenant. Tout l'monde, avec un peu de patience, peut atteindre ce niveau d'approbation qui autrefois paraissait si inatteignable.
Tout l'monde mais pas vraiment tout l'monde. Il existe encore ce type de personne qui pourtant passe ses entières journées à liker, commenter pis espérer l'être en retour. Ces gens peu doués qui n'ont toujours pas saisi comment fonctionne l'éco-système ni ses codes, qui n'arrivent pas tellement à se rendre intéressants aux yeux de leurs amis.
Et de plus en plus, la réalité ne fait qu'un avec le web; ça, ils l'ont très bien compris. Et c'est ça le plus triste. Parce qu'ils nous observent récolter des centaines de likes pis interagir avec d'autres humains qui nous ressemblent. Si les moindres banalités de tous se voient remettre l'approbation; pourquoi pas les leurs?, qu'ils se demandent. Ça a l'air incroyablement facile.
De moins en moins d'efforts sont demandés pour obtenir des likes. Tout c'que ça prend c'est un minimum d'implication au sein d'une communauté, de la patience, et une promesse non-écrite de réciprocité. Autrement dit; on likera sans réserve la nouvelle photo de Mathieu parce qu'anyway, on sait que la nôtre le sera autant. Peut-être pas maintenant, mais éventuellement. On n'a aucune difficulté à encourager tant que l'espoir de l'être en retour existe.
Une nouvelle coupe de cheveux? 156 likes. Engagé comme blogueur chez Urbania? 276 likes. Une nouvelle photo d'profil en haute définition? Facilement 138 likes. Un statut empathique à l'endroit d'une personne âgée croisée sur la rue? 487 likes. Une phrase de 3 mots au sujet d'une candidate de La Voix? 75 likes; quand même!
Et toutes ces interactions en continu se déroulent devant les yeux découragés de nos laissés-pour-compte qui tentent tant bien que mal d'être écoutés, allant jusqu'à repartager 8 fois la même photo au courant d'une seule journée. Et au lieu de modifier ou commenter un statut initial; ils en refont 4 autres, l'un à la suite de l'autre, sur le même thème, et ce, en moins de 30 minutes. Mais toujours en vain. Un silence qui poignarde le chest.
Et comme le néant est la seule réponse à leur requête d'attention, il arrive à l'occasion qu'ils se tannent et laissent la détresse crisser du coup d'poing sur le clavier à leur place: QU'EST-CE QU'IL FAUT QUE J'FASSE POUR QU'ON LIKE MES STATUTS???? J'AI TOUJOURS L'IMPRESSION DE PARLER DANS LE VIDE!!! Une publication suivie de 5 autres où on peut notamment y lire que MOI J'ME DÉPLOGUE DE FACEBOOK, TANNÉ, C'EST LA DERNIÈRE FOIS QUE J'AI L'AIR CAVE.
Sans qu'ils ne le sachent, on observe ces gens qui s'empoisonnent la vie à chercher constamment ne serait-ce qu'un brin l'appréciation d'autrui pis on s'dit qu'ils devraient peut-être abandonner, qu'ils ont probablement d'autres talents dans la vie que celui de récolter des likes. Et je n'ose même pas imaginer combien pénible ça doit être que d'évoluer dans un univers où tout l'monde autour de toi semble supra-habile; où même ta nièce de 14 ans en est à gérer une tribune.
Pendant que toi, tu fais rager tout l'monde avec tes 1000 demandes accidentelles de Candy Crush pis tes 36 publications qui nous laissent connaître ton désespoir et toutes les minutes de ta vie que tu perds à solliciter ce qui devrait pourtant venir naturellement, sans forcer les choses; un like.
Je vous déteste.