Samedi soir, l’intersection Prince-Arthur et St-Laurent. Habituellement, ce coin de la ville regorge de jupes rases-fesses, de chignons crêpés, de chemises trop amples portées sur un jeans jambe large qui tombe sur un soulier de cuir pointu entry level.
Or, à travers le cirque nocturne habituel de la Main, Frank & Oak fête son deuxième anniversaire au SUWU (feu Cafeteria). Et on se croirait dans une scène du film Boiler Room.
Comme dans une scène de Boiler Room
Bien avant The Wolf Of Wall Street, il y a eu le film Boiler Room. Pas un grand film, et certainement pas un film qui passera à l’Histoire comme celui de Martin Scorcese. Mais dès sa sortie en 2000, Boiler Room synthétisait déjà parfaitement un des grands malaises de notre époque, quatorze ans avant la sortie de Wolf Of Wall Street.
Le principe est simple : un jeune blanc-bec, un peu perdu, cherche à s’émanciper et tombe sous le charme des possibilités exponentielles viriles que peut lui apporter le monde de la finance. La seule raison de vivre devient l’appât du gain, les nouvelles voitures, les nouveaux habits, encore plus d’argent : la surconsommation. Évidemment, comme n’importe quel rêve mâle de la sorte, on s’en réveille un peu déçu et notre jeune premier aura tôt fait de dénoncer la fraude qui orchestre cette acquisition de richesse infinie.
Il n’y a pas de fraude au SUWU (à l’exception du vin rouge) pour le deuxième anniversaire de Frank & Oak, mais tous ces hommes (tous plus beaux les uns que les autres) rassemblés dans un même lieu pour célébrer l’un des plus beaux succès d’une start-up montréalaise m’amène à me questionner sur l'importance du réveil du blanc-bec que je suis.
Il n’y a rien de mal à vendre du rêve abordable pour des hommes qui n’aiment pas magasiner en boutique. Il n’y a rien de mal à fêter avec excès le succès commercial d’une entreprise qui a le vent dans les voiles. Il n’y a rien de mal à se saouler au rythme de vieux succès hiphop qu’un DJ balance allègrement pour amuser les gens.
Il n’y a absolument rien de mal à célébrer l’importance de la superficialité.
En autant de rester conscient du dispositif.
Parce que la fraude n’a pas besoin d’être fiscale pour exister, elle se retrouve partout au cœur des gens inconscients de leurs statuts.
Samedi soir, j’étais fier de célébrer la/ma superficialité, parce qu’elle m’est propre (quoique malsaine) et consciente. Mais il y a ces somnambules qui se donnent en spectacle dans ce coin historique de la ville pour son mal-paraître bas de gamme à saveur de Grey Goose surpayée. Ils rêvent du rêve, et ils ne se réveilleront peut-être jamais.
Au fond, le boulevard St-Laurent entre Sherbrooke et Prince-Arthur, c’est un peu The Wolf Of Wall Street. Mais samedi soir, au SUWU, j’étais dans Boiler Room.
Et même si mon réveil est pénible dimanche matin, je ne regrette rien.