Le chorégraphe anticonformiste D.A. Hoskins explore la force de frappe du mot «fuck» dans un spectacle percutant
Ariane B.La relève torontoise en danse contemporaine présente son spectacle le plus ambitieux et osé: The Land of Fuck (a fable), chorégraphié par le fondateur du Dietrich Group, D.A. Hoskins. L’artiste visuel anticonformiste s’est entouré de neuf danseurs provenant de multiples horizons artistiques dans une approche hybride mêlant théâtre, danse et performance sur une trame sonore de Björk (Medúlla). Le chorégraphe indépendant ne recule devant aucune forme ou objet (!) pour exprimer les diverses connotations ainsi que l’évolution du mot «fuck» à travers le temps dans cette production éclatée. En analysant l’acte de «baiser» dans toute sa complexité, Hoskins revient à l’instinct le plus brut qui anime chaque être et qui se traduit dans toutes les cultures, au fil des générations. D.A. Hoskins nous a accordé une entrevue pour clarifier sa démarche.
Nightilife.ca: On ne peut s’empêcher de s’arrêter sur le titre de cette production. Cherchiez-vous intentionnellement à choquer ou était-ce une simple stratégie marketing pour attirer l’attention du public?
D.A. Hoskins: J’ai trouvé le titre alors que j’étais en répétition et dans un élan de colère contre l’industrie. J’ai lancé à la blague que mon prochain travail allait s’intituler «The Land of Fuck». Je ne vais pas mentir, ces dernières années j’ai été un peu un «bad boy», mais je ne me considère pas comme ça en réalité. Je crois que ce titre n’est pas à la hauteur du potentiel expressif et artistique que je voudrais qu’il contienne.
Dans le milieu artistique, vous êtes reconnu comme un chorégraphe avec une signature anticonformiste. D’où vient ce désir de sortir des cadres établis?
J’ai grandi dans un milieu répressif. J’ai 49 ans aujourd’hui, mais quand j’étais plus jeune, la sexualité était quelque chose d’extrêmement taboue. Pendant des années, j’ai dû vivre dans la négation d’une partie de moi-même. Je suis gai et mes parents ont fait du mieux qu’ils pouvaient avec ce qu’ils avaient, mais c’était une autre époque. Quand j’ai vu de la danse pour la première fois, j’ai eu une révélation. Quand le rideau s’est levé, la réalité qui était sur la scène, cette expression de sexualité qui était tellement opposée à mon existence, m’a bouleversé. C’était un monde auquel je devais absolument prendre part. Je pense que c’est ce qui a influencé toute ma carrière par la suite et mon approche artistique en général.
Javier Castellanos
Comment décririez-vous votre approche envers vos danseurs?
Le travail lui-même – car c’est du travail – est basé sur la vitalité et la connexion. J’étire parfois des scènes qui seraient initialement limitées à trois minutes jusqu’à 11 minutes pour laisser au spectateur de l’espace pour l’interprétation. Cette prolongation dans le temps permet également aux danseurs d’explorer des zones spécifiques d’énergies et de les mettre au défi.
Est-ce que la sexualité est encore un sujet tabou? Recevez-vous des demandes de censure à certains endroits?
Oui. Une fois, ça m’est arrivé de devoir faire une modification quand nous avons présenté dans une église à Toronto. On a dû censurer le mot «fuck», donc on a écrit «The Land of ****». C’était très drôle. Je me fais demander si mon show est choquant et je réponds: est-ce que la nature humaine est choquante?
THE LAND OF FUCK (a fable) de D.A. Hoskins
Une coprésentation Danse Danse / Place des Arts
Du 15 au 19 avril | Cinquième Salle | 175, Sainte-Catherine O.