Ça relève d'un terrible manque d'effort, de créativité et d'une paresse intellectuelle que de choisir le Grand Prix pour aller flasher sa nouvelle robe BCBG louée pour l'occasion pis se faire prendre en photo devant le wall of fame d'un hôtel chic où sont réunies des figures médiatiques (sur le déclin ou non), du monde riche et d'autre qui fait semblant de l'être. Tout sourire, tout bronzage. Jet set. Paraître.
Je me demande sérieusement qui, en 2014, regarde les albums photos des prestigieuses soirées de la F1 et trouve qu'il y avait donc du bon et beau monde, là-bas.
La vérité c'est qu'on vous observe avec un regard semblable à celui qu'avait Pierre Falardeau sur le Beaver Club au moment de narrer son court métrage de 1993, Le Temps des bouffons. C'est comme si vous aviez décidé d'orchestrer et fuiter vous-mêmes votre propre version de la vidéo au Domaine Sagard des Desmarais.
Année après année, les preuves s'accumulent pourtant: le Grand Prix est crissement wrong. La femme est objectivisée, le 1% est célébré, la prostitution juvénile est en giga-hausse, on lève le nez sur la pollution qu'il génère, on méprise des femmes qui retirent leurs vêtements pour s'en indigner sans que l'on daigne tendre l'oreille.
Et pendant ce temps, Bernie est accusé de corruption (aurait versé 44 millions US en pots-de-vins à un banquier allemand) et appuyait l'hiver dernier les controversées lois homophobes de Putin. Et ça, c'est sans compter ses déclarations misogynes de 2005 à l'endroit d'une femme pilote qui venait d'obtenir une quatrième place à l'Indianapolis 500:
«Les femmes devraient être vêtues de blanc, comme tous les autres appareils électroménagers».
En 2014, on en sait trop, beaucoup trop, pour accepter d'aller jouer les stars à ce type d'événement. Le féminisme est plus fort et plus pertinent que jamais; il ouvre les yeux sur des choses qui nous étaient jusqu'à maintenant quasi impossible de voir. Les changements climatiques font désormais mentir les climatosceptiques et marchands de doute. Des richissimes hommes de pouvoirs et banquiers sont accusés, voire arrêtés pour corruption et collusion.
Mais on s'en câlisse. On veut chiller avec l'élite, malgré qu'on ne pourrait évidemment fournir le prénom du grand vainqueur de dimanche dernier. Au moins, pendant les séries de la Coupe Stanley, les faux-fans s'intéressent un brin au hockey. Mais pas le faux-fan du Grand Prix. Lui, il est là pour le glamour et les festivités.
Il endosse, sans même le savoir, tout ce qu'il y a de plus malveillant sur la planète et côtoie l'instant d'un w-e les plus grands ennemis du progrès.
J'espère qu'il aura honte d'apparaître sur ces photos, qu'il pourra plus tard évoquer une erreur de jeunesse. Qu'il examinera ses clichés de plus près et remarquera, comme nous l'avons fait, la fumée noire qui flotte au dessus de sa tête. Qu'il trouvera nauséabond ce qu'il imaginait, à tort, beau, impressionnant.
Je suis gêné pour lui, malgré qu'il suppose probablement l'inverse.
Je crois qu'il est possible de s'auto-célébrer et glorifier le jet-set montréalais dans des circonstances nettement plus humaines et louables que lors de la tenue du Grand Prix. Et qu'on peut adhérer à la Formule 1 sans forcément encenser les puissants de ce monde.
S'il-vous-please, cesse de jouer à ça. Regarde un peu les gens autour de toi.
Je te déteste.