Un nouveau Woody Allen pouvait autrefois nous exciter, maintenant on se demande souvent si le vieux ne se fait pas rattraper par son âge pour nous transporter dans un univers d’ennui, style Midnight in Paris. Encore là, une fois sur deux on en sort satisfait, si ce n’est qu'une fois sur trois. Blue Jasmine, c’était pas mal bien. Cate Blanchett, wow! Une fois sur deux, voire une fois sur trois. C’était à prévoir, Magic in the Moonlight est un Woody ordinaire. Pas mauvais, pas excellent, juste ordinaire.
L'histoire est celle d'un quinquagénaire, Stanley (Colin Firth), qui rencontre Sophie (Emma Stone), au bord de la vingtaine. Un magicien réputé qui croise une jeune voyante aux pouvoirs psychiques surnaturels sur un fond de décor de Côte d'Azur. Lui reste sceptique, refusant de croire en la magie de la jeune ingénue. Elle, une Américaine en sol européen, joue la carte d’étaler la maîtrise de son art, de son impressionnante capacité à lire les gens et à communiquer avec l’au-delà. Plus de trente années les séparent, mais qui a dit que l’amour avait un âge? Plus le récit avance, plus il tombe sous son charme, la prend sous son aile, pendant qu’elle se laisse chanter la pomme par un jeune riche (Hamish Linklater) à la mauvaise voix, qui a pour sa part hérité de la richesse de papa. Stanley se détache et Sophie se rattache. Le scepticisme mis de côté et l’arnaque des imposteurs bientôt révélée. La tante (Eileen Atkins) fait quelques apparitions pour montrer son vécu et rapprocher les amoureux en devenir. Il y a aussi l’ami proche (Simon McBurney) qui jouera à tromper Stanley à son propre jeu et à manipuler Sophie, fille fragile sans-le-sou.
Exploration du monde de l’illusion, du spectacle et du faux que l’on fait passer pour du vrai. Woody construit un récit dans lequel la vérité se doit d’être manipulée par le mensonge pour la laisser paraître plus belle.
Petite parenthèse sur Woody…
Non, il n’est malheureusement plus possible de regarder un film de Woody comme par le passé. On ne peut plus parler d’un Woody comme on en parlait auparavant. Il est encore plus difficile de regarder un Woody sans penser à l'homme. Déjà, on pouvait être gêné par son geste de chier une famille en mariant la fille adoptive de son ex-épouse Mia Farrow. Voilà qu'ont refait surface les accusations d’harcèlement sexuel déposées par sa fille Dylan, née de son union avec Farrow, pour l’enfoncer un peu plus creux dans le gouffre du malaise. Gouffre dans lequel il se plait à dire qu’il n’a jamais rien fait de mal. Côté médiatique, on en est venu à banaliser de telles accusations d’harcèlement sexuel, allant même jusqu'à lui remettre un Golden Globe en hommage à sa carrière lors de la dernière cérémonie (accepté par Diane Keaton, qui s'est livrée à un pénible sketch chanté). Trop d’apport au 7e art pour être mis au banc des accusés, l’histoire nous laisse un voile brouillé sur ce qui serait vrai ou faux, ce qui est souvent le cas des causes d’harcèlement sexuel par manque de preuve. Ici, l’accusé bénéficie d’un amour peut-être trop inconditionnel de ses admirateurs, qui refusent de manière irréductible de tacher le passé du réalisateur. Bref, le gars est loin d’être cool. La situation plus que délicate. Aucune accusation portée ici dans cette parenthèse, seulement un regard sur les femmes victimes d'harcèlement sexuel trop souvent confinées à vivre seules avec leur malheur. Désolé Woody, mais tu nous poses un dilemme.
Sinon, oui, Emma Stone est particulièrement sublime en jeune candide aux mystérieux talents. Colin Firth est toujours bon (oubliez la finale de Mamma Mia!) et ici ne fait pas exception. Eileen Atkins, attachante en tante vieillissante au coeur encore jeune et tendre. Une mise en scène qui n’a rien de mémorable, quelques clins d’oeil à des oeuvres passées, encore une course sous la pluie qui nous arrache un sourire par moments. Une musique qui enrobe bien l’esprit de l’époque recréée. On pourrait penser à Tender is the Night de F. Scott Fitzgerald dans son traitement de l’amour d’une jeune apprentie en temps d’été, au bord de la mer, Woody étant un grand fan de l’oeuvre de Fitzgerald. Il en reste que le film s’étire trop, que les intrigues s’obstinent à rester dans la même direction, ne laissant que très peu de plaisir aux spectateurs qui voient presque tout arriver d'avance. Et qu'au final, un profond malaise peut prendre le dessus sur notre statut de spectateur…
Magic in the Moonlight
En salles dès le 8 août