Alors que les commanditaires fuient en masse le Festival des films du monde de Montréal (FFM) et que les organisateurs tentent de calmer le jeu en annonçant que la 38e édition de l’événement aura bel et bien lieu à compter du 21 août, le tout-puissant Festival international du film de Toronto (TIFF) annonçait hier un volet canadien riche en découvertes et en valeurs sûres. Sans surprise, tous les cinéastes québécois, de Jean-Marc Vallée et Maxime Giroux à Philippe Falardeau, ont préféré donner le coup d’envoi à leurs nouvelles œuvres dans la Ville Reine, à plusieurs centaines de kilomètres des sorties médiatiques aberrantes d’un FFM dénué de toute pertinence. Le TIFF, cette grand-messe du cinéma mondial, considérée comme le plus important tremplin pour le septième art après Cannes, fêtera son 39e anniversaire du 4 au 14 septembre. Voici un premier aperçu de 5 films québécois que nous suivrons avec intérêt dans les prochains mois (nous avons omis Mommy de Xavier Dolan et Tu dors Nicole de Stéphane Lafleur, puisqu’ils sortiront sur nos écrans avant ou pendant le TIFF).
1. Félix et Meira
de Maxime Giroux
Synopsis: « Félix (Martin Dubreuil) est un Canadien-français excentrique et sans le sou dont le père est mourant. Meira (Hadas Yaron) est une juive hassidique mariée et mère de famille qui est à la recherche de nouveauté. Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer, encore moins tomber en amour. Le film Félix et Meira raconte l'histoire d'amour miraculeuse entre deux étrangers qui proviennent de deux communautés distinctes et qui essaient de s'aimer malgré leurs différences. »
On a hâte parce que: Maxime Giroux, anciennement réalisateur de vidéo-clips (The Dears, Corneille, Sam Roberts) à l’époque de Nú Films, propose depuis ses premiers courts métrages (Le rouge au sol, Les jours) un regard brut, ténébreux et profondément bouleversant sur notre société, dont la force de frappe est amplifiée par une facture visuelle d’un minimalisme déroutant. Ses deux longs, Demain et Jo pour Jonathan, poursuivaient dans cette lignée, témoignant d’une jeunesse angoissée et laissée à elle-même. Avec cette histoire d’amour impossible entre une juive hassidique et un Québécois francophone, inspirée du Mile-End où habite Giroux et tournée entre Venise, New York et Montréal, le réalisateur nous promet un film plus lumineux.
Notre entrevue avec Maxime Giroux
2. The Elephant Song
de Charles Binamé
Synopsis: « Xavier Dolan, Bruce Greenwood et Catherine Keener tiennent la vedette de cette adaptation au grand écran de la pièce de théâtre de Nicolas Billon qui met en scène un psychiatre entraîné dans un jeu intellectuel complexe lorsqu'il interroge un patient troublé (Dolan) concernant la disparition d'un collègue. »
On a hâte parce que: Charles Binamé a une feuille de route plus qu'étonnante, cumulant succès au box-office (Séraphin: un homme et son péché), biopic émouvant (Maurice Richard) et chronique urbaine improvisée de la génération X du Plateau (Eldorado). Vingt ans après nous avoir offert une Pascale Bussières en rollerbladeuse errant devant les marches du (feu) Euro Deli et un James Hyndman en pseudo-DJ et oiseau de nuit libidineux, Binamé nous offre ce huit clos doté d'un budget de 6 millions de dollars, tourné entre Montréal, Cuba et le continent africain, se déroulant dans un institut psychiatrique des années 60 avec Xavier Dolan en patient bipolaire et manipulateur.
3. Preggoland
de Jacob Tierney
Synopsis: « Lorsque Ruth, une femme de 35 ans, ruine une réception-cadeau pour bébé grâce à ses bouffonneries juvéniles, ses vieilles amies du secondaire, toutes devenues mères, décident soudainement de la mettre de côté. Plus tard, lorsqu'on croit à tort qu'elle est ‘‘enceinte’’, elle est inexplicablement réintégrée au groupe. Bien qu'elle essaie au premier abord de jouer franc-jeu, les avantages qu'apporte la grossesse sont trop attrayants pour ne pas en tenir compte. Preggoland est une comédie qui exprime l'obsession de notre société pour les bébés et les moyens employés afin de faire partie d'un groupe. »
On a hâte parce que: l’acteur et réalisateur Jacob Tierney est maître dans l’art d’enrober ses trames narratives d’intrigantes couches politiques et sociales, qu’il s’agisse d’un drame inspiré de Dickens sur fond de pauvreté et de prostitution (Twist), d’une comédie à propos d’un étudiant croyant dur comme fer être la réincarnation du leader bolchévique Léon Trotski (The Trotsky) ou d’un film noir traquant un tueur en série dans le Notre-Dame-de-Grâce pré-référendaire de 1995 (Good Neighbours). Après s’être fait plus discret ces derniers temps, il signe la réalisation de cette comédie s'attaquant à la pression sociale à laquelle font face plusieurs femmes trentenaires, scénarisée par et mettant en vedette Sonja Bennett, et dont la campagne Indiegogo pour boucler le film est toujours en cours.
Notre entrevue avec Jacob Tierney
4. Corbo
de Mathieu Denis
Synopsis: « Montréal, 1966. Jean Corbo est un adolescent de 16 ans idéaliste et de descendances italiennes qui se lie d'amitié avec deux militants politiques d'extrême gauche et rejoint le FLQ (Front de libération du Québec), un mouvement clandestin déterminé à déclencher une révolution socialiste. Jean commence une inextricable marche vers son destin. Mettant en vedette Anthony Therrien, Antoine L'Écuyer, Karelle Tremblay et Tony Nardi. »
On a hâte parce que: Mathieu Denis, coauteur et coréalisateur de Laurentie, continue de sonder les tréfonds de l’identité québécoise avec ce nouveau projet ancré dans une époque charnière du Québec moderne. Avec le déroutant et très austère Laurentie, Denis et son acolyte Simon Lavoie ont mis le doigt sur un bobo identitaire rarement abordé avec tant de candeur dans le cinéma québécois. On ne peut qu’espérer que Denis poursuive dans la même lignée avec ce retour sur Jean Corbo, militant adolescent décédé en 1966 suite à l’explosion d’une bombe à la Dominion Textile. En confiant à Denis cette immersion cinématographique dans un moment marquant de l’histoire du FLQ, les producteurs de Max Films s’assurent d’une œuvre sans compromis, qui saura éclairer de nouvelles générations sur cet homme.
5. L'amour au temps de la guerre civile
de Rodrigue Jean
Synopsis: « Alex est un jeune toxicomane qui se prostitue dans le quartier Centre-Sud de Montréal. Autour de lui gravitent Bruno, Simon, Jeanne, Éric et Velma, chacun d'eux prit dans la même spirale de compulsion. Otages de la logique marchande de la société, ils sont les anges déchus d'un temps violent et sombre. Pourtant, leur beauté survit; rebelle au milieu des ruines. D'une dose à l'autre, le désir devient un radeau de sauvetage, leurs corps euphoriques cherchent à se venger de l'humiliation à laquelle ils sont condamnés. Orphelins d'une tribu sauvage, ils vivent, aiment et vagabondent sans repos à l'ombre du confort et de l'indifférence de la société. Mettant en vedette Alexandre Landry, l'étoile montante de l'édition 2014 du TIFF, Jean-Simon Leduc et Simon Lefebvre. »
On a hâte parce que: le réalisateur d’origine acadienne Rodrigue Jean (Lost Song, Yellowknife) présentait à l’automne 2009 l’un des documentaires les plus audacieux et éloquents qu’on ait vus à ce jour sur le thème de la prostitution (Hommes à louer), se penchant sur le quotidien de onze jeunes travailleurs du sexe montréalais qui se livraient en toute candeur devant la caméra de Jean à intervalles réguliers. Depuis la sortie du documentaire, Jean a investit énormément de son temps dans le groupe d’action en cinéma Épopée, et c’est d’ailleurs suite à plusieurs ateliers d’écriture du groupe que L’amour au temps de la guerre civile a vu le jour. Suite à son passage remarqué dans la pièce Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard ainsi que son interprétation éblouissante d’un jeune handicapé intellectuel dans Gabrielle de Louise Archambault, on souhaite également voir Alexandre Landry s’attaquer de nouveau à un rôle à la hauteur de ses talents.
Festival international du film de Toronto
Du 4 au 14 septembre 2014 | tiff.net