Biopic comme on en voit un peu trop souvent sur grand écran, le réalisateur Jalil Lespert survole la vie d’Yves Saint Laurent de ses débuts à la maison Dior à ses succès plus tard en carrière. Mais le personnage plus grand que nature qu’était Yves Saint Laurent aurait mérité un meilleur traitement. Le film, à tout vouloir montrer, tombe à plat et nous laisse avec cette impression de voir un résumé aux allures tapageuses de la vie glamour des gens riches et célèbres.
L'apprenti Yves Mathieu Saint Laurent (Pierre Niney) se retrouve rapidement aux commandes artistiques de la maison Dior, après la mort brusque de son créateur. Premier défilé, enchaînement de collections, rencontre avec Pierre Bergé (Guillaume Gallienne), un premier baiser qui scellera l’union à la vie, à la mort, pour le meilleur et surtout le pire (rarement un baiser passionnel aura été montré avec si peu de langue et autant de bouches grandes ouvertes s’entrechoquant). Le succès suit, la pression embarque, Yves Mathieu n’en peut plus et pète les plombs. Diagnostiqué maniaco-dépressif, il se fait vite montrer la porte chez Dior dans une rupture de contrat pas très légale. Pierre, voulant voir Yves sourire à la vie, lui offre ses rêves sur un plateau d’argent. Il va de soi qu’une relation d’affaires se glisse au milieu de leur romance: Pierre en charge des finances, Yves de la création. L’histoire évolue ensuite de saison en saison pour découvrir le génie créateur du désigner, qui affectionne particulièrement le beau. Se mêle à la création les hauts et surtout les bas, un comportement colérique, les excès de boissons et de drogues, Paris Match, un voyage au Maroc, l’adultère sous un pont et dans un bar avec l'amant Jacques de Bascher (Xavier Lafitte) et l’occupation de l’Algérie par la France.
Lespert en montre beaucoup trop sur la vie de Saint Laurent, sans que le public connaisse ou comprenne ce qui se passe derrière l’image. Un Pierre Bergé plus âgé en voix off ouvre le film pour disparaître aussitôt et revenir sporadiquement sans justification ou intérêt réel. Le personnage d’Yves se construit à partir d'un mystère, mystère qui tombe parfois dans la caricature. Le jeu de Pierre Niney reste intéressant et très proche des mimiques de Saint Laurent, mais les dialogues irritent et rendent le tout trop romancé. À ce trop de mots s'ajoute la musique qui envahit les scènes sans vraie motivation (les continuels airs de jazz) ou de façon carrément over the top (Patrick Watson à mi-parcours, Maria Callas au final).
Toute sa vie défile trop rapidement. Le monteur en profite pour nous glisser à plusieurs reprises les fameuses séquences montées où des tranches de vie s’interposent pour nous faire comprendre que les temps changent. Beaucoup de contenu pour très peu de profondeur. La collection Mondrian vite abordée, aussitôt oubliée. Nikolai Kinski (oui, fils de Klaus Kinski) en Karl Lagerfeld fait plusieurs apparitions, sans raison et sans vraiment parler. Le rythme est inconséquent; on se butte à ce problème tout au long du film.
Pierre Niney
Le réalisateur a tout de même eu l’accord de Pierre Bergé pour tourner le film. Bergé a accepté de lui ouvrir les portes de sa majestueuse résidence et de leur pied-à-terre au Maroc, et a donné son aval pour utiliser les créations originales du designer, allant même à habiller Niney des vêtements et accessoires portés par Saint Laurent. Charlotte Le Bon est coquette en Victoire Doutreleau et Guillaume Gallienne convaincant en homme d’affaires persuasif. Somme toute, ce film sur le créateur nous laisse sur notre faim, mais ceux qui en demandent plus pourront se bourrer la face de Saint Laurent avec la sortie prochaine d’un autre biopic sur l’homme, celui-là réalisé par Bertrand Bonello avec Gaspard Ulliel en Saint Laurent, Jérémie Renier en Pierre Berger et Louis Garrel en Jacques de Bascher. Un projet présenté à Cannes et qui risque pas mal plus de nous séduire: Saint Laurent.
Yves Saint Laurent
En salles le 15 août
En salles le 15 août