Depuis l'annonce de la libération de Guy Turcotte (en attendant son procès), les commentaires qu'on peut lire, ici et là, sur le web, sont hallucinants, tant de par leur abondance que de par leur virulence.
On prétend qu'on aurait dû en finir là avec lui, qu'on devrait le pendre. On veut le voir pourrir en dedans. On veut lui transpercer le coeur à l'aide d'une épée. On espère qu'il se fasse happer par un cray en auto et ne se relève jamais. On lui propose le suicide. On s'indigne de notre justice en quoi on n'a désormais plus confiance. On laisse entendre qu'à la place des citoyens enragés devraient s'occuper de son cas. Bref, on a droit, encore et plus que jamais, à une véritable chasse aux sorcières.
On aurait possiblement tendance à évoquer l'horreur du crime commis pour excuser ce supra-dérapage collectif, mais nope. #lesgens, ils veulent voir mourir (presque) tout le monde et pas seulement Guy Turcotte. À vrai dire, Turcotte n'est que le porte-étendard de ceux qui méritent la mort.
Suffit d'aller lire les commentaires sur la page de TVA Nouvelles pour le constater. Juste la semaine dernière, un cycliste a perdu la vie alors qu'il est entré en collision avec un train de banlieue. On aurait pu s'imaginer que #lesgens se seraient montrés un brin respectueux à l'endroit du défunt et de sa famille; mais God qu'on aurait été naïfs.
À peine la nouvelle publiée, on avait déjà droit à des débats cyclistes VS automobilistes à grands coups de «Bin bon pour lui!», «Pis là les cyclistes vont pleurer sa mort pis c'est encore nous, les automobilistes, qui allons en payer le prix!», «J'ai pas d'peine… c'est jamais de leur faute, sont parfaits! Mon cul…».
Ça donne pas trop envie d'être victime d'un accident, mettons, considérant le probable lynchage qui t'attend. Parce que t'es mort, sans faire exprès. Tsé. Ce n'est pas sans rappeler l'ado, distraite par son smartphone, qui est tombée dans une craque du métro, l'an dernier. Elle a quitté notre monde, gone forever, si jeune et d'une manière tellement tragique. Et par dessus ça -> BONUS: LE GRAIN DE SEL DE MONSIEUR-MADAME-TOUT-LE-MONDE QUI LAISSE SAVOIR À SA FAMILLE COMBIEN ELLE ÉTAIT UNE ESTI D'ÉPAISSE.
D'emblée, #lesgens sont hostiles envers les inconnus, sur les médias sociaux. Pis ils s'en câlissent bin que tu meurs. Ils ne veulent pas ton bien. Ils se comparent, se rassurent et le hurlent sur absolu tous les toits qu'ils sont donc heureux de ne pas être dans ta situation, parce qu'évidemment, eux, ils auraient su quoi faire pour s'éviter le pire. Ils se sentent un brin plus clever de te le laisser savoir.
La prison, la déportation, la mort, une blessure grave, une amende salée pis la raclée de ta vie. C'est ce que #lesgens te souhaitent systématiquement dans la section commentaires de la plupart des sites de nouvelles. Oublie l'indulgence. Et ça ne se fait pas en douceur, là. C'est de la rage qui est déversée de manière perpétuelle.
Et finalement, on se rend sur leurs profils Facebook pour constater qu'on a affaire à des parents et grands-parents qui se promènent de page en page pour se réjouir du malheur des autres. Pis la tristesse s'empare de nous aussitôt qu'on voit cette mère prendre soin de son fils ou du père, tout sourire, qui s'amuse au parc avec sa fillette. Mais comment ces gens peuvent-ils adopter un comportement aussi violent sur Facebook, qu'on se demande?
Et le plus triste c'est qu'ils ne sont pas marginaux. Ils sont #lesgens et #lesgens, c'est (presque) tout le monde. Pis ça fait peur.
Je vous déteste.