Ça m'a tout l'air que la saison de la chasse est ouverte, si j'en crois les photos de canards et orignaux assassinés qui apparaissent ici et là sur mon newsfeed, dernièrement.
Pour la plupart des gens, ces images (le chasseur et sa proie) exhibées fièrement comme photo de profil n'ont rien de très choquantes, on s'empresse même de féliciter l'auteur pour sa «belle prise». Pourtant il est là, fusil à la main, et prend son air le plus alpha pendant que la bête à qui on vient d'arracher la vie nous est proposée, langue au vent, paupières qui reposent forever et giga-tête qui ne demande qu'à s'écrouler au sol.
Si la plupart des gens ne se montrent pas terrifiés, il en est tout autrement pour moi qui suis végétarien depuis plus d'un an. Le regard du chasseur qui expose son indifférence devant la mort, une mort dont il est l'auteur, l'idée qu'il assassine pour le plaisir, tout ça fait que j'y vois les mêmes yeux éteints que sur les photos d'un Kimveer Gill (Dawson) ou d'un Magnotta. J'y ressens également les mêmes frissons.
Oui oui, je sais, ton gentil papa qui part à la chasse n'a probablement rien d'un Magnotta. C'est pas c'que j'ai voulu dire. Il n'a rien fait de méchant pis toi non plus quand tu manges ton steak, tu ne veux faire de mal à personne. Mais reste que l'instant d'une photo, l'absence totale d'empathie de ton père à l'égard de cette pauvre bête me glace le sang.
Et pourtant j'étais comme toi, avant. Indifférent. On m'avait conditionné à ça. Très tôt, on me faisait l'éloge de l'Homme au sommet de la chaîne alimentaire, pendant qu'à la cafétéria de l'école on me servait du poulet pis du boeuf. On m'a volé l'empathie qui était destinée aux animaux de ferme et sauvages avant même que j'aie pu prononcer un seul mot, celle qui aurait fait en sorte que jamais je n'aurais accepté de mettre dans mon assiette le porcelet à qui j'ai rendu visite à la ferme.
Mais heureusement, cette empathie n'est pas irrécupérable. Une fois retrouvée, elle offre un regard nouveau sur le monde qui t'entoure, sur l'aveuglement volontaire auquel il se prête sans prob, au quotidien. Les gens qui font la file au service au volant d'un fast-food se retrouvent brusquement à des années-lumière de toi. Le symbole de l'impatience, du klaxon, du conducteur pressé en attente qu'on lui serve son animal mort préf, t'amène à fixer le vide et te laisse impuissant devant autant d'inertie.
Le chercheur Stevan Harnad établissait d'ailleurs un lien intéressant entre les omnivores et les psychopathes qui tous deux n'ont aucun problème à voir ou faire souffrir pour atteindre un but. Il précise que tous les humains ne sont pas psychopathes, mais que ce sont l'ignorance et le déni qui amènent à adopter et légitimer un mode de vie omnivore.
C'qui fait que pendant que certains se montrent troublés/inquiets par une photo de chasse publiée par un ami sur Facebook, d'autres soulignent que cette dernière donne envie de manger. Un contraste qui trace une ligne entre ceux qui ont fait le choix de se lever et les autres, ceux qui s'en câlissent.
Je vous déteste.