Vendredi dernier, Place Ville-Marie, j'avais à me rendre dans le coin. Toujours pas fait mon deuil de l'été, ou du moins, du temps où le climat permet encore de chiller à l'extérieur; j'ai donc décidé d'affronter les vents glaciaux.
Ça fait mal, mais hey, c'est pas -40°C. C'est là qu'un constat m'a fouetté en plein visage et beaucoup plus que le vent, une évidence à laquelle on ne s'attarde jamais trop: les coups de klaxon. J'me suis arrêté quelques secondes pour y penser et, l'issue de mon analyse scientifique est INCROYABLE; à toutes les fois, c'est pareil, je peux en recenser, à coup sûr, au moins une vingtaine, en l'espace d'une dizaine de minutes.
D'ordinaire, on s'en fout. Le klaxon est inclus dans le package du bruit ambiant de toutes les grandes villes. Oui, mais still, derrière chaque klaxon enfoncé se cache un pleurnichard, quelqu'un dont l'intelligence émotionnelle n'est pas supra élevée et qui fait connaître son mécontentement de manière passive-agressive. Parfois pour éviter une collision, j'en conviens, mais trop souvent pour pleurnicher.
Et pleurnicher, il va le faire shamelessly, au beau milieu de l'hiver, même encerclé de piétons dont les doigts ne peuvent même plus consulter Facebook et le visage empreint de plaques rouges. C'est à la chaleur de son auto qu'à l'aide du klaxon il va nous hurler à l'oreille: HEY, MON CONFORT PERSO, TOUT L'MONDE! À toutes les heures de tous les jours. Tout l'temps.
Le klaxon, au fond, c'est l'ancêtre des nouvelles technologies, celles qui nous suivent partout et nous permettent d'évacuer quelques larmes, quand quelqu'un ne s'est pas comporté selon nos codes persos. Pleurnicher à l'abri des représailles, pleurnicher à distance, pleurnicher sans accès direct au eye contact.
Le klaxon, on le traîne désormais à la maison, au café, au travail et dans nos poches. On passe nos journées à klaxonner tout l'monde et God knows que 2014 fut une année riche en coups de klaxon virtuel.
De fil en aiguille, on a même fini par légitimer le pleurnichage, aussi puéril soit-il. Je pense ici à cette infamous publicité de Trivago (que je n'ai même jamais vue à la télé).
Ma tête devait être bien enfoncée dans l'eau quand, soudainement, j'ai réalisé que tout Twitter se plaignait de sa heavy-heavy-rotation à la télé. #lesgens se disaient TANNÉS. PU CAPABLES. Une journaliste lui a même consacré un billet de blogue sur le site du Journal de Montréal. Pour une pub, guys. Le segment télé universellement reconnu pour être celui qu'on skip afin d'aller pisser. Bin là, il fallait qu'on lui accorde de l'importance. Qu'on s'accorde de l'importance.
C'est à peine si on a tenté d'effectuer une pirouette intellectuelle ou deux pour lui trouver des failles au niveau de l'éthique. Nope, on a préféré s'en tenir à sa fréquence, à cet urgent besoin de crier qu'on est PU CAPABLE.
Quand est-ce qu'être «gossé par» ou «tanné de» sont devenus des arguments bétons? Le hashtag #pucapable n'a jamais été aussi populaire, et pourtant, on n'a jamais autant été en contrôle des univers que nous gérons.
Je vous déteste.