C’est dimanche, les Jutra! «Jutra» pour Claude Jutra. Grand homme du cinéma québécois parti trop tôt. On le connait beaucoup pour Mon oncle Antoine, mais il y a surtout À tout prendre, film encore trop méconnu qu’on aimerait bien te faire découvrir. Tu peux te le taper dans le confort de wherever se trouve ton ordi; pour le regarder en ligne, t’as juste à cliquer ICI. Fin de la parenthèse pour un film coup de coeur.
Gala des Jutra dimanche. Gros party pour le cinéma d’ici, animé par Pénélope McQuade et Stéphane Bellavance. C'est l’année de Mommy, Tom à la ferme et Tu dors Nicole. Trois excellents films. C’est également l’année de Miron: Un homme revenu d’en dehors du monde de Simon Beaulieu et de Que ta joie demeure de Denis Côté. Deux grands films boudés de la sélection pour des raisons que l’on ne comprend pas (c’mon, le comité de sélection). On ne sait rien sur le déroulement de cette soirée et c’est pour ça qu’on se permet un petit jeu de pool, version Jutra 2015. On ne se prend pas trop au sérieux et on vote avec le coeur.
1. Meilleur film
Les nominés sont: 1987, 3 Histoires d’Indiens, Mommy, Tom à la ferme, Tu dors Nicole
Va/devrait gagner: Tu dors Nicole
Parce que Stéphane Lafleur fait un cinéma intelligent. Cinéma toujours accompagné d’un humour particulier. Humour du malaise, de l’inconfort des silences, de la banalité du quotidien. Déjà, il nous avait séduit avec Continental un film sans fusil et En terrains connus. Avec Tu dors Nicole, la séduction prend du sérieux et confirme ce que l’on savait déjà, notre amour inconditionnel pour son cinéma. Il y a un état de bien-être qui émerge des films de Lafleur. Une beauté humaine que l’on peut toucher. Filmé en noir et blanc avec une esthétique irréprochable, Tu dors Nicole nous transporte, le temps d’un été, dans le mal-être d’une jeune adulte au sommeil perturbé. Un scénario solide. Un plaisir à voir les acteurs se lancer les répliques. La musique d’Organ Mood. Notre grand favori dans cette catégorie.
2. Meilleure réalisation
Les nominés sont: Xavier Dolan (Mommy), Xavier Dolan (Tom à la ferme), Stéphane Lafleur (Tu Dors Nicole), Robert Morin (3 Histoires d’Indiens) et Denis Villeneuve (Enemy)
Va/devrait gagner: Xavier Dolan pour Mommy
Tom à la ferme aurait pu ici être notre premier choix, mais il y a dans Mommy un accomplissement dans l’élaboration de la mise en scène. Xavier Dolan sait comment faire du grand cinéma. Mommy nous enveloppe dans son trip d’émotions tiraillées sur la douleur d’un amour inconditionnel d’une mère envers son enfant, amour imparfait. On se souvient de Mommy pour son cadrage resserré qui renvoie aux tourments intérieurs de son personnage principal étouffé. S’ajoute en complément un choix musical trop parfait: Céline Dion, Andrea Bocelli, Lana Del Rey. Une direction photo signée par un des plus grands d’ici, Monsieur André Turpin. Une élaboration travaillée d’une oeuvre qui jette à terre.
3. Meilleur actrice
Les nominées sont: Julianne Côté (Tu dors Nicole), Anne Dorval (Mommy), Laurence Leboeuf (La petite reine), Joëlle Paré-Beaulieu (Qu’est-ce qu’on fait ici?) et Lise Roy (Tom à la ferme)
Va/devrait gagner: Anne Dorval pour Mommy
Anne Dorval crève l’écran avec son interprétation de Diane Després. Une parfaite composition de la femme cheap au grand coeur qui joue entre le paraître et le ressenti. Dolan fait cracher le meilleur de ce qu'Anne Dorval a à donner. On aime déjà beaucoup la femme, c’est plus que normal qu’on souhaite la voir gagner. Elle bouleverse dans Mommy. On n'aurait vu personne d’autre nous renvoyer les phrases coup de gueule de D.I.E. Hail to the queen.
4. Meilleur acteur
Les nominés sont: Walter Borden (Gerontophilia), Jean-Carl Boucher (1987), Guy Nadon (L'ange-Gardien), Antoine Olivier Pilon – Mommy, Patrice Robitaille – La Petite Reine
Va/devrait gagner: Antoine Olivier Pilon pour Mommy
Encore un prix pour Mommy. Il y a tout le côté excessif et violent de Steve que l’on sent habité par l’interprétation d’Antoine Olivier Pilon. Un jeu sur la mince ligne de la fragilité qui peut déborder à tout moment vers l'excès. La perte de contrôle sur soi. Un laisser-aller des pulsions. Un rôle complexe qui fait mal à regarder.
5. Meilleure actrice de soutien
Les nominées sont : Dalal Ata (Arwad), Sandrine Bisson (1987), Evelyne Brochu (Tom à la ferme), Suzanne Clément (Mommy) et Catherine St-Laurent – Tu Dors Nicole
Va/devrait gagner: Suzanne Clément pour Mommy
Et la boucle se referme sur Mommy. Une des qualités de Dolan est la manière dont il dirige ses acteurs. Pour Suzanne Clément, il compose Kyla, une voisine silencieuse vivant intérieurement la noirceur de ses émotions. Kyla bégaille par moments. Se retient. Se laisse aller. Elle aussi, sur le bord de voir son monde constamment renversé par ses émotions. Il y a quelque chose de beau à voir Suzanne Clément se glisser dans ce rôle de femme introvertie qui, lentement, se donne une liberté pour mieux vivre. Trois beaux rôles pour Mommy. Des acteurs qui ont accepté la proposition et qui se donnent à fond.
6. Meilleur acteur de soutien
Les nominés sont: Robin Aubert (Miraculum), Pierre-Yves Cardinal (Tom à la ferme), Patrick Hivon (L'ange-gardien), Francis La Haye (Tu dors Nicole) et Stephen McHattie (Meetings with a Young Poet)
Va/devrait gagner: Pierre-Yves Cardinal pour Tom à la ferme
On a eu beaucoup d’hésitation dans cette catégorie. Francis La Haye, t’étais ben bon dans Tu dors Nicole. Si on pouvait faire deux gagnants, t’en serais un, toi aussi, mais Pierre-Yves Cardinal l’emporte pour son rôle de Francis dans Tom à la ferme. Bête désaxée qui pue le sexe, Pierre-Yves nous charme avec la noirceur de son regard et la violence de ses mains. Drôle de relation qui s’établit entre le spectateur et le personnage, avec un mélange de répulsion et d’attraction. Sorte de fantasme homoérotique impossible, parce que trop violent. La force de son jeu réside dans la séduction de toute la laideur de son personnage.
7. Meilleur court ou moyen métrage de fiction
Les nominés sont: Anatomie, Chaloupe, Mynarski chute mortelle, Suivre la piste du renard, Toutes des connes
Va/devrait gagner: Mynarski chute mortelle de Matthew Rankin
Réalisé par Matthew Rankin, ce court métrage hommage rend les derniers instants d’une vie, celle de Andrew Mynarski, héros de la Seconde Guerre mondiale. Dans une forme psychédélique, le court bascule d’un univers noir et blanc rétro et devient rapidement contaminé par les couleurs et un courant hallucinogène comme dans une sorte de rêve poétique. Un film d’art avec tout le travail que ça implique. Une composition riche des images d’une pellicule travaillée à la main. Gros plus pour toi, le court sera disponible sur le site de la Distributrice de films du samedi midi à lundi midi. Rate pas ça!
* À noter qu’on s’est permis de rêver et de s’imaginer que tous nos coups de coeur allaient gagner. Pourquoi pas?