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Le Détesteur: le Journal de Montréal et nous, son autre public

Le Journal de Montréal partageait hier une sélection de .gif animés mettant en scène des personnalités publiques d'ici qui empruntent l'apparence physique du soleil. Un spécial «Première journée de l'année à franchir le cap des 20°C». Ce billet se veut possiblement/assurément le plus insignifiant depuis le virage clickbait du Journal, billet qui valide pour de bon que c'est bel et bien dans ce type de marde que l'équipe compte s'enfoncer davantage.

Inquiétant, oui, mais encore plus inquiétant serait que ces gif animés trouvent public, ce qui, si on se fie à la publication originale sur Facebook, ne semble pas trop être le cas. À seulement quelques likes (dont certains sont ironiques) et peu de commentaires et partages pour souligner la futilité du papier, il est pratiquement impossible de dénicher une seule personne qui aurait pu apprécier le contenu.

Sur mon newsfeed par contre c'est un tout autre son de cloche qui cherche à se faire entendre. Les personnalités-soleils sont indéniablement le sujet du moment depuis les dernières 24h. Ça n'a aucun sens d'être insignifiant comme ça, qu'ils s'entendent tous pour dire, et je suis d'accord avec eux.

Mais une insignifiance qui passe dans le beurre est probablement une insignifiance qu'on s'affairerait à ne pas reproduire dans l'avenir si le résultat escompté n'est pas obtenu. Ou en tout cas, il faudrait être con en esti pour conserver une formule de clickbait qui n'arrive même pas à remplir sa principale fonction, celle de récolter des centaines de clics et partages.

Alors ici on nous propose une piètre tentative de clickbait qui normalement aurait dû aujourd'hui essuyer un échec consternant et plein de honte à en faire pleurer l'auteur de cette dernière, mais à la place, et grâce à l'extraordinaire contribution des lecteurs avisés et indignés, on se retrouve avec du partage massif, des clics et une histoire.

Le public, il n'y en a pas, mais le public, c'est nous, c'est toi. L'autre public. Celui qui se procure un billet pour aller huer John Cena au Centre Bell. T'es pas forcé d'aimer pour participer. Et tu participes.

La vérité c'est que ce truc de soleils animés t'est redevable pour chacun de ses souffles, il ne vit pour personne d'autre que toi. Je serais même prêt à parier qu'en dehors de la sphère des communications, le commun des mortels n'a même pas eu vent de son existence. Vraiment, c'est du sur-mesure qui nous est exclusif et nous répondons sans faute à l'appel.

Pourtant, je ne suis pas de la même école que ceux qui prétendent que nous devrions ignorer toute insignifiance, au contraire, il faut faire réaliser à ses adeptes combien insignifiante est l'insignifiance à laquelle ils adhèrent systématiquement et pourquoi il serait mieux d'éviter ceci. Je pense à la section Sac de Chips du même Journal, notamment.

Mais ici, il n'y en a pas d'adeptes. Que des indignés qui s'indignent. Seulement un piège, s'il en est un, bien dissimulé parmi une pile de publications, il faut creuser pour mettre la main dessus, qui s'est avéré tellement efficace qu'il y en aura probablement d'autres comme celui-ci.

Autrement dit, le Journal tend une perche à une communauté reconnue pour lui être hostile et pour lui reprocher son manque de rigueur et de vigilance, alors que de notre côté, on riposte en créant pour lui la nouvelle à partir du vide qu'il a mis à notre disposition.

Un vide sans auditoire, condamné aux oubliettes dès ses premières secondes de publication mais qui pourtant fera massivement jaser des heures durant.

Cela dit, ne te méprends pas, Journal de Montréal: t'es vraiment pas moins une marde insignifiante pour autant.

Je vous déteste.

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