Récit d’une réalité en mode fiction. En 1966, un jeune Jean Corbo, 16 ans et felquiste assumé, dans une tentative de revendication manquée, se fera exploser accidentellement. Ligne directrice de Mathieu Denis (Laurentie) pour nous livrer un film assez classique dans sa forme, mais plus riche dans son contenu. Un film particulièrement intéressant vu le contexte social actuel d’un Québec en mode austérité. Le Québec des années 60 nous est montré dans ses conflits intérieurs. La domination d’une minorité anglophone sur une classe ouvrière francophone exploitée. Le complexe du colonisé. Jean Corbo (Anthony Therrien) habite Ville Mont-Royal. D’un père italien (Tony Nardi) et d’une mère québécoise (Marie Brassard), il tente de trouver une identité à sa personne. Un journal du FLQ ramassé au sol, deux nouveaux camarades (Antoine L’Écuyer et Karelle Tremblay) croisés au hasard, et il réussira à s’infiltrer dans la cellule felquiste.
À l’extérieur des murs de la révolution, il se verra confronté à un grand frère (Jean-François Pronovost) nationaliste, trop pacifiste dans son approche au soulèvement populaire. La figure du père confirmera le début de sa révolte intérieure, rejetant de plus en plus l’héritage plus conservateur de ses paternels. Il recherchera le besoin d’assouvir ses convictions politiques pour transformer le Québec des années 60 en un espace socialement équitable, avec un peuple fier de sa culture et de sa langue. De joindre les rangs du FLQ lui permettra de donner une voix à ses revendications intérieures en agissant directement, quitte à troubler le confort de ceux qui restent dans l’indifférence. Camp de formation, d’information. Une première tentative d’alerte à la bombe qui tourne mal pour le groupe. Remise en question de la radicalité de certaines actions. L’entêtement de certains à se battre pour une nation. Coût de la nation au-delà de celui de la vie humaine. La conviction extrême des idées d’une justice dont on doit accepter quelques effusions de sang. La fin tragique de Jean Corbo.
Le film de Mathieu Denis révèle son intérêt dans ce qu’il explore. La réalisation est peaufinée, l’esthétique années 60 bien rendue, mais dans sa surface, manque un peu de gueule, quoique très bien maîtrisée (pas pire séquence que celle de Corbo face à son destin de vie écourtée). Le jeune Anthony Therrien livre une performance assez bonne avec un charisme qui transparait à l’écran. Antoine L’Écuyer tout aussi charismatique, bien que plus discret. Par moments, une direction d’acteurs un peu trop appuyée se rapproche légèrement de la caricature. Sinon, on te boost les oreilles du meilleur jazz version bebop, de quelques airs classiques et c’est vraiment pas désagréable.
Également scénarisé par Mathieu Denis, la force du film se retrouve dans la construction du scénario, qui élabore parallèlement un discours sur l’importance d’une société à se révolter devant ce qui leur semble injuste et de constater les effets d’une radicalisation, conséquence des inactions d’un gouvernement qui n’écoute plus. Il explore l’importance de l’unité d’une cellule de révolte, en temps de crise. Il montre l’ascension de la révolte chez une personne. Il nous rappelle les luttes d’un passé, pas si lointain, qui nous ont défini en tant que peuple québécois. De l’importance de prendre le temps de regarder notre passé, ses victoires, ses erreurs pour conitnuer à avancer. Se mêlent à ce discours les mots de Frantz Fanon cités dans son oeuvre Les Damnés de la Terre, qui souligne l’importance de se battre pour son identité.
Les Films Christal
Jean Corbo est peint comme jeune homme aux fortes convictions. Il ne s’agit pas de montrer un jeune naïf manipulé par une idéologie, mais de rendre les lettres de noblesse à une jeunesse capable de s’informer et de défendre ses idéaux. Une jeunesse capable d’ébranler un gouvernement qui se branle devant l’avenir social de cette même société. Il s’agit aussi de ne pas oublier les pans de notre histoire et de ne pas accepter le statut de vaincu sans s’opposer. De croire aux effets collatéraux d’un mouvement social. De ne pas attendre que les autres changent la société, mais de s’impliquer à amener le changement, pour léguer aux générations futures un Québec meilleur et plus juste. De considérer l’importance de construire notre histoire au temps présent.
Corbo
En salles le 17 avril