Salut Jean-François, je fais partie de ceux et celles qui se sont indigné-e-s de ta dernière blague sur Facebook. J'ai lu aussi ta réponse qui nous était adressée. Je t'aime beaucoup pourtant, à l'inverse de ce que tu laisses entendre dans ta missive où il serait prétendument question de haine dirigée à ton endroit ainsi que d'une fermeture totale à la discussion. Alors non, voilà, je t'écris pour te démontrer que tout ceci n'a rien à voir.
J'imagine que tu sais déjà tout ça, mais Mike Ward, Louis-José Houde, les Denis, Patrick Groulx, Perizz et toi bénéficiez de l'amour quasi inconditionnel de la génération Dollaraclip à laquelle j'appartiens. C'est peut-être pour ça que la réaction fut plus forte aussi, je sais pas. Bin, ça pis évidemment le fait que t'es suivi par quelque 360 000 personnes, ce qui peut résulter à ce qu'une bonne centaine de personnes fassent connaître instantanément leur déception simultanément.
Maintenant que ça c'est réglé, revenons à ta dernière intervention qui manifeste clairement que tu n'as pas tout à fait saisi ce qui t'était reproché. Soyons clairs: personne ne t'accuse d'être un violeur, de fermer les yeux sur le viol ou encore de faire son apologie comme tu sembles le prétendre. On t'a taxé de contribuer à la culture du viol en ayant recours au slutshaming. Je sais, «viol», le mot frappe. Personne n'a envie d'y être associé et je comprends un peu ta réaction nerveuse et précipitée. Cela dit, rassure-toi, la vision que tu t'es fait de la culture du viol est erronée, on t'a fait parvenir sa version malhonnête, ultra-simpliste, propagée à outrance par les antiféministes et gens de mauvaise foi qui visent à discréditer le mouvement féministe avec la peur et la désinformation comme quoi la culture du viol voudrait que tous les gars soient de potentiels violeurs ou encore que de contribuer à celle-ci impliquerait nécessairement que tu sois en faveur des agressions sexuelles.
C'est pas ça. Évidemment que personne ne se positionne en faveur des agressions sexuelles et tout le monde s'entend pour dire qu'il s'agit d'un crime grave qui se doit d'être sévèrement puni, à la seule condition, bien sûr, qu'il ait la certitude que l'agresseur n'a pas été victime d'une erreur de jugement, voire, d'un coup monté. Et il est justement là le problème, quand on met systématiquement en doute le témoignage des survivantes d'agression, qu'on les bombarde de questions comme si c'étaient elles les véritables criminelles.
Ainsi, les agresseurs finissent toujours par tirer avantage des ambiguïtés relevées par la société, et souvent même, par les propres amis de la victime: «Ouin mais là, j't'ai vue en fin de soirée avec ce gars-là, tu te frottais dessus pis t'as même accepté d'aller chez lui! Tu pensais que vous alliez faire quoi? Jouer à la Xbox One?». C'est aussi ça, la culture du viol: dire oui plus tôt dans la soirée, mais finalement changer d'idée et se voir brutalement forcée de le faire malgré le retrait clair du consentement. Il s'agit là, oui, d'une agression, et pourtant, on cherchera plutôt à souligner que la victime s'avère en fait à être une crisse de folle qui cherche les problèmes là où il n'y en a pas.
Alors oui, on est contre le viol, mais on se donne le droit de déterminer ce qui en est un ou pas. Et très malheureusement, l'ignorance et le manque de discernement des gens amènent trop souvent à trancher qu'il ne s'agît pas d'un viol parce que, par exemple, la victime aime beaucoup trop la séduction et le sexe pour se ramasser dans le lit d'un inconnu, d'un ami ou d'un conjoint sans y avoir consenti.
Et ta blague, Jean-François, malgré ce que t'en penses, et malgré tes intentions qui n'étaient probablement pas mauvaises, amène les gens à banaliser, à responsabiliser les victimes, à alimenter la pression que doivent subir les femmes tous les jours. Elle enfonce davantage dans l'ignorance quant aux notions de consentement et toutes les ambiguïtés qui peuvent venir avec. Pour preuve: la plupart des gens qui t'ont défendu ont relevé qu'ils étaient 100% d'accord avec ta réflexion et ont évoqué que les femmes vêtues de tenues légères n'ont aucun «respect de soi», une idée qui est exclusive et qu'on impose aux femmes. Quand est-ce qu'on dit d'un homme qu'il n'a aucun respect de lui-même?
J'ai beaucoup de difficulté à croire que tu ne savais pas qu'une telle blague allait engendrer autant de commentaires à caractère misogyne, pas après tout ce qu'on a vécu au courant des trois dernières années. C'est juste qu'on s'est dit: POURQUOI? POURQUOI ENCORE ÇA? Pourquoi donner raison aux imbéciles? Alors qu'au même moment John Oliver livrait un brillant discours contre le harcèlement en ligne dont les femmes sont quotidiennement les proies.
Tu t'es fait le porte-étendard de milliers d'épais machistes qui t'applaudissent, te remercient donc d'avoir validé ce qu'ils pensaient déjà et remis les «féministes frustrées» à leurs places au lieu d'ébranler les moeurs qui rendent la vie de celles que t'aimes tant pénible.
Mais t'es très habile et celle-là, tu l'as remportée, et pas seulement toi, c'est une victoire pour les épais aussi. L'idée n'était pas de te faire perdre la face ni même de te voir tomber, mais bien que tout le monde en ressorte gagnant et du même coup peut-être même faire évoluer les mentalités un tout petit peu, tsé.