Si tes pas te guident dans le Vieux-Montréal dans les jours qui viennent, tu devrais absolument arrêter au Centre Phi afin d’aller découvrir le Vice Photo Show 2015. (D’ailleurs, quand tes petits pas te mènent dans le Vieux-Montréal, tu devrais toujours aller au Centre Phi, même si tu ne sais pas ce qui s’y trame, parce qu’il s’y passe toujours quelque chose de vachement bien. Parole de scout.)
Sous la houlette du vénérable photographe Larry Towell — sa carte d’affaires dit uniquement «Human Being» —, Vice rassemble les œuvres de quatre excellents photographes, tirées de leurs voyages en Irak, au Mexique et dans le Nord canadien. Je suis allé me chatouiller les yeux avec les superbes clichés présentés et j’en ai tiré les réflexions suivantes.
1. Seeking Refuge in Irak
de Dominic Nahr
Crédit: Dominic Nahr
Grand arpenteur de l’Afrique, et travaillant présentement dans les environs de Fukushima, au Japon, Dominic Nahr nous présente des scènes du quotidien irakien après le passage de Team America. Images vues mille fois, mais allez savoir pourquoi, elles sont ici dénuées de cette aura glauque qui les nimbe habituellement. C'est triste, mais pas tant, ça ne pue pas le désespoir et le charnier. On y retrouve plutôt une lassitude résignée, pas vraiment belle, mais combien prenante. Ses œuvres captent le regard et rechignent à le laisser aller. Claires et floues, sombres et lumineuses, un peu rien, mais vraiment tout.
2. La Ley Del Monte
de Mauricio Palos
Crédit: Mauricio Palos
Est-ce que ça joue rough au Mexique? Non, non, du tout… Mauricio Palos ne nous présente pas une photo de cadavre, juste une jolie tête ensanglantée qui «chille» sous une vieille boîte de goyaves. Champêtre… Ici, contrairement à Nahr, tout est cadré, bien clair. À part ces hirondelles qui volent au-dessus d'un cactus, on n'a pas de scène de rêves, que du gros concret pas le fun, qui te rend heureux d'habiter ici. Tons monochromes, unicité des couleurs, sujets crus qui trônent au centre du cadre, aucune échappatoire possible. La réalité mexicaine à l’ère du narcotrafic n’a aucune idée de l’existence du mot douceur.
3. Flowers for Zapata
de Brett Gundlock
Crédit: Brett Gundlock
Originaire de Toronto et déménagé à Mexico City, Brett Gundlock nous raconte lui aussi la vie sous les narcotraficantes. Par contre, là où Palos montre, Gundlock suggère et laisse planer un doute. On ressent la menace sans trop savoir d'où elle vient. Horreur fantastique, couleurs vives, feux et flammèches, sans jamais voir un visage. Le photojournalisme en mode artistique; probablement ma série favorite.
4. Sleeping With the Devil
de Aaron Vincent Elkaim
Crédit: Aaron Vincent Elkaim
Finalement, avec Sleeping With the Devil, on se demande si l’on assiste seulement à la fin d'un monde, ou à la fin du monde avec un grand M. Portraits d’une nature et d’une nation autochtone encerclée, menacée par l'avancée toujours plus brutale de «nous», les gros tatas qui aiment bien ravager pour faire des «bidous». Piégés, comme ce loup pétrifié dans la glace que nous montre l’aîné Wilfred Grandjambe. Les rares habitants qui restent fixent l’objectif en ayant l’air de dire: «Cool, vous l'avez l'affaire, vous autres. C'est bien plus nice un bord de lac quand y'a des grues et un gros pipeline tout le tour.» Rien de bien rigolo, donc, mais beaucoup pour faire réfléchir.
The New Photojournalism
Présenté au Centre Phi jusqu’au vendredi 31 juillet 2015