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​10 moments clés de la période référendaire 1995
Crédit: Fabienne Legault

Le 30 octobre 1995, les Québécois avaient rendez-vous avec l’avenir, à l’occasion du deuxième référendum portant sur la souveraineté du Québec. Vingt ans plus tard, NIGHTLIFE.CA se remémore 10 moments clés de toute cette période mouvementée, qui a failli changer à jamais le destin de la belle province.  

La mise en place des forces souverainistes
Le 25 octobre 1993, le chef du Parti libéral Jean Chrétien est élu premier ministre du Canada. Profitant de la déconfiture des conservateurs, qui n’obtiennent que deux sièges, le tout nouveau Bloc québécois de Lucien Bouchard forme l’opposition officielle aux Communes, récoltant 49% des votes au Québec. À Ottawa, l’évènement est historique (et l’est toujours d’ailleurs) : c’est un parti ouvertement souverainiste qui agit à titre d’opposition officielle de tout le Canada. Onze mois plus tard, le Parti québécois de Jacques Parizeau profite de cet élan souverainiste et obtient une majorité des voies aux élections provinciales. Sa mission est de tenir un référendum au plus vite.

Lucien Bouchard hospitalisé
Le 1er décembre 1994, les Québécois sont ébranlés lorsqu’ils apprennent que Lucien Bouchard s’est fait hospitaliser en raison de la bactérie mangeuse de chair. Pendant plusieurs jours/semaines, on ne sait pas ce qui va arriver au chef du Bloc québécois. Va-t-il survivre? Et si oui, va-t-il poursuivre sa carrière politique? Bouchard sera finalement amputé d’une jambe et entamera rapidement son programme de réadaptation. Pour les souverainistes, ce malheureux évènement aura paradoxalement des répercussions positives puisqu’à force d’acharnement et de résilience, le politicien s’est attiré les sympathies du public.
Crédit : Wikimedia

Bouchard VS Parizeau, la confrontation
De retour sur la scène politique, Lucien Bouchard ne met pas de temps à affirmer ses positions. Voyant les sondages placer l’option du OUI bien en-dessous de celle du NON, il adopte une position un peu plus prudente que celle de son comparse provincial Jacques Parizeau, entêté à tenir un référendum au plus vite. «Est-ce qu’on fait un référendum pour le perdre?» déclare-t-il alors, en entrevue à la radio. Ses nombreuses paroles franches et incendiaires déplaisent fortement au premier ministre du Québec, qui tentera sans succès de lui imposer sa vision.   

L’alliance souverainiste avec Mario Dumont
Sachant très bien que Bouchard a une cote de popularité bien plus élevée que lui dans la population québécoise, Parizeau tente une nouvelle stratégie pour sauver les meubles en appelant en renfort Mario Dumont, alors député du tout nouveau parti provincial l’Action démocratique du Québec (ADQ). Le 12 juin 1995, Parizeau se présente avec Dumont et Bouchard devant les médias et signe une entente avec ses deux comparses, stipulant qu’un OUI majoritaire amènerait seulement l’indépendance du Québec après un an de négociations avec le Canada. Parizeau n’a pas eu le choix : il a dû mettre de l’eau dans son vin afin que Bouchard continue d’appuyer le projet.
Crédit : Capture d'écran – Point de rupture

La question «ambiguë»
«Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995 ?» La question sur laquelle les Québécois allaient devoir se prononcer a rapidement suscité la controverse, notamment dans le camp des fédéralistes. Aux Communes, Jean Chrétien a des doutes sur la légitimité de la proposition, allant même jusqu’à remettre en question le seuil majoritaire d’un 50% + 1. Le deuxième chef de l’opposition, le réformiste Preston Manning (ancien parti de Stephen Harper), critique lui-même l’entêtement du premier ministre canadien à ne pas respecter la base même de la démocratie. Bref, c’est le branle-bas de combat à Ottawa.

Bouchard prend les rênes
Quelques jours après le déclenchement officiel de la campagne référendaire au début du mois d’octobre 1995, Lucien Bouchard est nommé négociateur en chef de l’entente promise sur l’avenir du Québec. En d’autres termes, Jacques Parizeau a décidé de laisser sa place à Bouchard en tant que chef du camp du OUI afin de maximiser les chances d’une victoire. Dès que le chef du Bloc québécois prend les rênes, les appuis à la souveraineté montent en flèche. Grâce à son charisme et à ses discours, Bouchard met l’option du OUI en tête dans plusieurs sondages.

Les fédéralistes craignent le pire
Jusque-là assez certains de remporter la bataille sans trop de difficultés, les fédéralistes commencent à craindre le pire lorsque Bouchard donne de l’ampleur au camp souverainiste. Responsable de la campagne du NON, le chef du Parti libéral du Québec Daniel Johnson est alors tassé par son homologue fédéral Jean Chrétien, qui constate l’urgence de la situation. «Je ne suis pas capable de croire que nous allons défaire le travail de nos ancêtres» déclare-t-il, inquiet. Il profite de son pouvoir pour lancer un message aux Québécois par l’entremise d’une vidéo retransmise à Radio-Canada. De son côté, Jean Charest, alors chef des conservateurs, en profite pour prendre un peu plus de place dans la campagne référendaire en multipliant les discours enflammés.

WE LOVE YOU QUEBEC!!!
Voyant les sondages donner une avance de plus en plus confortable au camp du OUI, les fédéralistes tentent le tout pour le tout, trois jours avant le grand jour du 30 octobre. C’est ainsi qu’ils mettent tout en œuvre pour organiser le plus important rassemblent du NON de la campagne référendaire, en nolisant des autobus et des avions à partir de tous les coins du Canada. Le but : amener les Canadiens dans le centre-ville de Montréal pour prendre les Québécois dans leurs bras et leur dire «WE LOVE YOU QUEBEC!!». Cette tentative désespérée de faire renverser la vapeur est évidemment mal reçue par les souverainistes qui, de plus, y voient une accumulation de dépenses faramineuses et, à bien des égards, illégales.

Le résultat extrêmement serré
Le 30 octobre 1995 : tous les yeux sont rivés sur le Québec. Au total, c’est plus de 93% de toute la population québécoise qui utilise son droit de citoyen pour faire valoir son opinion. Lorsque les premiers résultats sont dévoilés, notamment aux Îles de la Madeleine, c’est le OUI qui a le vent dans les voiles. L’excitation est à son comble pour les souverainistes. Le vent change de côté quand les résultats de la capitale, plus décevants que prévu, se mettent à sortir. Puis, rien ne va plus lorsque les résultats de la grande région de Montréal entrent dans le pourcentage final. À 22:20, Bernard Derome y va avec son traditionnel «si la tendance se maintient» et porte le coup final au OUI, qui finira par perdre le référendum avec un peu plus de 50 000 voies.

L’argent et le vote ethnique
Voyant le rêve de sa vie lui glisser entre les mains, Jacques Parizeau livre un discours de défaite qui restera gravé dans la mémoire des Québécois pour les mauvaises raisons. «C’est vrai qu’on a été battu au fond, par quoi… Par l’argent pis les des votes ethniques», envoie-t-il, amer, à une foule qui l’applaudit tièdement. Malheureusement, beaucoup résumeront toute sa brillante carrière politique à cette phrase maladroite, qui était pourtant à moitié vraie. Si les dépenses du camp du NON (avec, en tête de liste, le rassemblement ridicule du 27 octobre) ont été vraisemblablement beaucoup trop élevées, il va sans dire que le vote ethnique a joué un rôle très minime dans cette défaite du OUI. Après tout, un lot important de francophones haïtiens, européens et africains ont voté en faveur de la souveraineté, alors qu’un très grand nombre de francophones de Québec, de l’Outaouais et de la Beauce ont voté NON.
 
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