T'écoutes quoi comme musique, dernièrement? Justin Bieber, que je réponds. Adele, Drake, Selena Gomez, The Weeknd, Demi Lovato pis le dude qui chante Hula Hoop aussi. Tout ce qui trône depuis les derniers mois au sommet du palmarès Spotify, finalement. Les gros hits du moment. Le mainstream. Que du mainstream.
Qu'est-ce qui s'est passé? C'est pas moi, ça. Justin Bieber.
On a pu d'pain. Correct, m'a y'aller. Ah mais non ça presse pas je peux le faire demain soir en revenant du travail. Non sérieux, j'insiste: j'y vais maintenant.
Sur le chemin de l'épicerie, c'est Renegades de X Ambassadors que m'a rassurément soufflé dans l'oreille Google Play Music. Chez IGA, alors que Where Are Ü Now fait entendre ses premières notes dans mes earphones, je mets sur pause. C'est au tour de la radio commerciale, fréquence stratégiquement syntonisée par la direction de l'épicerie, de partager avec moi sa playlist, aussi prévisible et peu surprenante soit-elle.
Mais hey, soyons honnêtes, je suis ici pour ça. Pour rien d'autres que ça, la musique prévisible. Les lieux communs. Le pain aurait pu attendre, ma copine l'a dit: elle s'est portée volontaire pour passer le prendre demain soir comme la pharmacie se trouve sur son chemin. Le pain, je m'en fous, ce que je convoite absolument et dans l'urgence: m'imprégner d'une ambiance précise, me retrouver avec des humains qui d'avance connaissent les hits de l'heure qui sont diffusés dans les speakers d'un commerce achalandé. Si même je peux m'improviser une raison ou deux pour étirer le moment dans un autre commerce, — tiens, chez Dollarama —je vais le faire.
Mais pourquoi? N'ai-je donc jamais entendu parler des bars? Pourquoi mettre de côté momentanément les bands méconnus qui rencontrent à peine les 1000 views sur Youtube?
Qu'advient-il du grand nostalgique qui ne carbure qu'aux décennies qui nous précèdent? Disons qu'il la prépare en même temps qu'il la vit, sa nostalgie, celle de l'époque en cours.
Appelons ceci: l'appel de l'époque en cours.
En 2012 encore, rien n'avait véritablement changé. L'offre du passé apparaissait toujours comme nettement plus intéressante que l'anodin et immuable présent. Alors qu'aujourd'hui, il suffit de jeter un coup d'oeil derrière l'épaule pour constater combien l'époque à laquelle nous cohabitons sur cette planète est effroyablement fucked up, combien tout évolue à une vitesse effarante.
Une petite révolution à claque nouveau clignement des yeux.
Pour la première fois de ma vie, le moment présent — en tag team avec l'angoissant futur — sollicite tellement passions, peurs, angoisses et énergie qu'il fait passer la nostalgie pour un vieux mononcle dépassé au coat de cuir qui chill dans le food court du Marché aux Puces St-Eustache qui refuse de décrocher.
Le monde a considérablement changé et en si peu de temps. Il fait peur, mais il fait davantage sentir vivant.
Je disais: je prépare ma nostalgie, celle de l'époque en cours. Pour plus tard, quand il nous faudra regarder derrière et faire le bilan. Les Justin Bieber et autres artistes de l'heure figurent tous, mine de rien, sur la trame sonore de l'ère actuelle. C'est le son en background qui accompagne les tragédies, les victoires comme les horreurs, le sang qui coule, les changements de paradigme comme climatiques.
Je veux m'en imprégner et la vivre pleinement, l'imprévisible époque. Assez spinné dans les écouteurs les Led Zeppelin, Beatles et Bob Dylan.
Vendredi 13 novembre dernier, je me suis rendu vers 21:00 au IGA du coin pour vivre l'incompréhensible, tristement propre à cette époque jusqu'à ici marquée par l'incertitude, en la compagnie de visages qui ne me sont guère familiers et au son de la populaire Locked Away par R. City qui s'inscrivait tragiquement dans la mémoire d'une tête affligée et confuse.
Au son de l'incertitude.