T'as peut-être vu passer ce Mème qui a largement circulé sur les médias sociaux depuis les attentats de Paris. Lui.
C'est peut-être bien la 46 000e fois cette semaine que je contemple cette percutante image macro, mais pourtant c'est comme si chaque fois en était une nouvelle tellement ce Mème est violemment accurate. Outch.
Parlons-en, de cet ami-là qui appartient aux 6 queb sur 10 fermement en défaveur de l'arrivée des 25 000 réfugiés syriens au pays selon un récent sondage CROP. Cet ami se veut en bonne partie responsable de mes déplacements quotidiens en métro depuis plus d'une décennie. Si aujourd'hui en frappant sur la tête des gens qui logent à l'extérieur de Montréal j'éprouve autant de fierté, c'est de sa faute. Si je suis snob et condescendant: lui.
Pour sa défense, on dit souvent de lui qu'il n'a pas reçu l'éducation adéquate, ce qui expliquerait en quelque sorte ses prises de position enflammées au sujet de la communauté musulmane, ses tendances à se moquer avec dédain de la vulnérabilité masculine en l'assimilant — comme si c'était une honteuse chose — à l'homosexualité et sa manie à hurler de manière systématique à la tête des étudiants qui prennent la rue.
Mais hey, soyons indulgents, qu'on réitère: pas de sa faute vraiment. Parcours scolaire plus laborieux, qu'on dit. Les lettrés ne devraient jamais pour se booster l'estime couvrir les moins bien nantis de railleries. Parce qu'il apparaît toujours évident que le comportement de l'ami intolérant du hometown s'explique de par ses difficultés d'apprentissage et de par le fait qu'il soit exposé aux médias de Quebecor tandis que les concurrents lui sont moins aisément accessibles.
Longtemps j'étais d'accord avec ceux qui appelaient à l'indulgence et j'ignore honnêtement pourquoi. Je voulais bien croire que l'ami xéno n'était pas fondamentalement un crétin, que dans son environnement toutes les conditions pour devenir un parfait idiot étaient réunies. Je voulais sincèrement. Et là, wô, je me suis rappelé cet ami pendant les cours du secondaire. Celui qui malgré l'extraordinaire irrévérence trouvait toujours le moyen de séduire les professeurs, malgré qu'il passait les 25 dernières minutes à dormir ou discuter arrivait sans effort à égaler les notes du petit dude timide qui épuisait ses heures de dîner à la bibliothèque.
Ce jeune con savait où il s'en allait. Son adhésion au cégep lui était d'avance assurée et l'université qu'il allait fréquenter dans sa tête préalablement sélectionnée. Durant les pauses il faisait du nerd son bouc émissaire et une fois en classe l'enseignant-e lui pardonnait sans problème son comportement dissident puisqu'à la fin de la journée c'étaient les résultats qui primaient sur tout le reste.
Alors quand on me parle de moins bien nantis ou de malchanceux, je réponds désormais: S'IL-VOUS-PLEASE. Le moins pourvu, il existe certainement, mais moi celui que j'ai connu n'est pas le plus virulent sur les médias sociaux. L'ami raciste, le mien, à l'inverse de ce qu'on en dit, a connu beaucoup de chance et a fréquenté cégep et université et c'est forcément cette même chance qui l'a rendu si confortable dans son intolérance.
Il a joui d'une opportunité sans véritablement la saisir. Faire de l'argent, voilà ce qui importe. Son immersion sur les bancs d'écoles postsecondaires lui a finalement rapporté trop peu. Tout de lui sur Facebook laisse maintenant croire à un analphabète fonctionnel qui aurait décroché dès la 3e année du primaire, de l'abonnement annuel au Journal de MTL à ses violentes envolées islamophobes sous les publications de la page Facebook de TVA Nouvelles.
J'ai résisté longtemps, j'ai essayé fort. Si j'avais pu, j'aurais demeuré toute une vie dans mon coin natal qui m'était si cher pourtant. Mais il y avait cet ami intolérant pour qui toujours j'apparaîtrai comme l'extra-terrestre aux idées qui défient les conventions et qui n'adhère pas sans réserve à la pensée Richard Martineau.
Mes amis du moment, Montréalais mais pas de naissance, se sont pour la plupart retrouvés ici pour les mêmes raisons que moi: l'ami raciste qui gouverne en maître dans la ville natale de chacun.
Et si un jour l'idée nous prenait d'effectuer un retour au village qui nous a vus grandir, disons que le copain xénophobe s'est plutôt bien débrouillé pour nous en décourager ces derniers mois en prenant d'assaut les médias sociaux, discours pernicieux et plein de haine au bout des doigts.
Cet ami raciste du secondaire qui n'a jamais quitté la ville natale, il est responsable du deuil d'une importante période de l'existence qu'il nous a fallu vivre, des souvenirs qu'on a dû balancer au feu et du retour au bercail qu'il nous faut admettre improbable dorénavant.
S'il est vrai que les médias ont leur part de responsabilité dans l'ignorance collective, je refuse toutefois d'excuser le comportement de ces gens qui ont sciemment bousillé toute chance d'accroître leurs propres consciences et qui malgré la facilité d'apprentissage qu'on leur connaissait pourtant ont fait le choix de sombrer dans l'abrutissement de masse.
Comprenez bien maintenant que quand les Montréalais d'adoption crachent aussi durement sur les régions, ce n'est pas sur tous les citoyens qu'ils déversent leurs biles mais bien sûr les gens qui les ont si souvent déçus et forcés de quitter le patelin, sur ce vieil ami raciste qui se radicalise toutes les fois que Daesh fait les manchettes.
Cet ami raciste du secondaire qui n'a jamais quitté la ville natale n'est pas toujours sous-éduqué comme on cherche tant à nous le faire croire.
Cher ami maintenant sans aucune honte plus xénophobe que jamais, t'es rendu si loin de moi. Si loin. Je t'en veux.
Bienvenue parmi nous, réfugié-e-s.