Exercice purement subjectif, mais ô combien utile pour prendre conscience de la merveilleuse année théâtrale qu’ont connue les Montréalais, ce palmarès a quelques objectifs profondément sérieux:
1) vous aider à cibler les créateurs à découvrir ou à ne jamais abandonner dans le futur;
2) vous offrir quelques minutes de lecture sucrée et nutritive comme un biscuit maison trempé dans le lait (de soya);
3) vous servir de soutien psychologique afin de boucler la boucle d’une année où les coups de gueule ont côtoyé les éclats de rire, les joues mouillées et les sourires en coin.
1. J’accuse
(Théâtre d’Aujourd’hui)
Il y avait la fille qui encaisse, celle qui intègre, celle qui agresse, celle qui engueule et celle qui aime, cinq personnages de femmes interprétés par une distribution toutes étoiles (Catherine Trudeau, Debbie Lynch-White, Ève Landry, Alice Pascual, Léane Labrèche-Dor). Mais par-dessous, il y avait son auteure, Annick Lefebvre, qui a su mettre en mots les dérives de la performance, du capitalisme, de l’apparence, du vedettariat, de la valorisation de soi dans le regard de l’autre et de la difficulté d’Être alors que la société ne promeut que le Faire. Une plume capable de nous mettre le nez dans nos failles, de nous faire réfléchir, rire et pleurer.
2. Normal
(La Licorne)
Jean-Philippe Lehoux et Sarah Laurendeau (Crédit: David Ospina)
Les mots de Jean-Philippe Lehoux raisonnent particulièrement fort chez les 18-35 ans. Avec le récit de Normal, petit bled américain où il s’est rendu pour vérifier ce qu’on pouvait faire dans un lieu si peu touristique, le dramaturge offre une brillante réflexion sur la rencontre de l’autre et de soi, une avalanche de pensées d’humour désinvolte et une analyse à la fois cérébrale, émotive et viscérale des effets de l’ailleurs sur l’humain. Un bijou aussi charmant que l’était Napoléon Voyage, présenté en reprise cette année au Théâtre du Rideau Vert.
Lire notre critique de Normal
3. La Divine Illusion
(Théâtre du Nouveau Monde)
Crédit photo : Yves Renaud
Rarement cette saison a-t-on senti que tous les artisans d’une même production nous offraient une part d’eux-mêmes frôlant l’exception. On salue bien bas le puissant texte de Michel Marc Bouchard, qui nous confronte aux affres de l’industrialisation, à la mainmise du clergé sur les esprits et au rôle majeur du théâtre – et de l’art en général – pour éveiller les consciences; les prestations magistrales de Simon Beaulé-Bulman et d’Anne-Marie Cadieux; la flamboyance des costumes de François Barbeau et la vision de Serge Denoncourt.
Lire notre critique de La Divine Illusion
4. Intouchables
(Rideau Vert)
Projet casse-gueule que cette adaptation théâtrale du film à succès Intouchables! Mais voilà que Luc Guérin et Antoine Bertrand entrent en scène, offrant au public des prestations remarquables, portées par leur grande complicité, leur talent et une sincérité poignante. Au terme de la représentation, on réalise que cette relecture sur scène valait non seulement la peine, mais qu’elle devrait être vue par le plus grand nombre de Québécois possible, afin de leur rappeler les grandeurs de l’humanité. La vraie.
5. Variations sur un temps
(Quat’Sous)
Quelle merveilleuse idée de célébrer les 60 ans du Théâtre de Quat’Sous avec cette savoureuse pièce de David Ives! Ode à l’absurde, concentré d’humour physique, olympiades de l’interprétation, point de vue décalé sur les relations humaines, rencontre de six acteurs doués (Anne-Élisabeth Bossé, Daniel Parent, Émilie Bibeau, Mani Soleymanlou, Geneviève Schmidt et Simon Lacroix), qui succèdent à quatre acteurs légendaires (Marc Labrèche, Élise Guilbault, Luc Picard et Diane Lavallée), qui avaient joué la pièce en 1996 pour la première fois. Un véritable cadeau.