Guy Turcotte a tué son garçon et sa fille, privant sa femme Isabelle Gaston de ce qu’elle avait de plus précieux, quelques jours avant d’essayer de s’enlever la vie dans la prison de Rivière-des-Prairies. Dans la pièce « Après », Patrick a tué ses garçons jumeaux, privant sa femme Marie-Christine de ce qu’elle avait de plus précieux, quelques minutes avant de rater une tentative de suicide. Tout au long de la représentation, une question fait des allers-retours dans l’esprit de certains spectateurs : assiste-t-on à une catharsis de l’affaire Guy Turcotte?
La réponse à cette interrogation n’est pas unidimensionnelle, pas plus que les réactions du public ne peuvent être uniformes et consensuelles. Et c’est bien là l’un des grands talents de l’auteur Serge Boucher, qui revient au théâtre après avoir connu un succès indiscutable à la télé avec les téléséries Aveux et Apparences : les nuances et les surprises qui émergent de son histoire sont trop nombreuses pour que les amateurs de théâtre aient l’impression de pouvoir libérer leurs passions si longtemps contenues, ou pas, face à l’ex-cardiologue meurtrier le plus connu du Québec.
Tous n’auront pas envie de lapider ce personnage isolé à l’hôpital, en attente de son procès. Bien que certains resteront sur leurs positions, ne voyant que l’odieux du crime qui leur sera révélé, d’autres seront happés par les circonstances ayant poussé ce papa et ce mari à commettre l’irréparable. Non pas que l’auteur cherche ici à excuser le geste. Serge Boucher s’intéresse davantage à l’après-tempête médiatique entourant les faits divers sordides à la Cathy Gauthier et à la Guy Turcotte.
En imaginant la rencontre d’un criminel et d’une infirmière qui le soigne pendant des semaines, le dramaturge questionne l’éthique des professionnels de la santé, leur obligation à traiter un tel homme, l’attitude à adopter en leur présence, et surtout, la possibilité qu’un humain se cache encore derrière un tueur, et qu’une « relation » puisse naître avec la femme payée pour en prendre soin.
Dès les premiers instants, Adèle (Maude Guérin) se faufile dans la chambre avec un visage placide, les vêtements de travail camouflant son corps et les cheveux tirés. Ses actions sont livrées en silence. Son patient (Étienne Pilon) a beau tenter de l’interpeller, chacune de ses paroles se bute à des monosyllabes.
Puis, des discussions finissent par naître sur des sujets aussi banals que les animaux de compagnie, les habitudes et les horaires de travail. Ces échanges nous font comprendre qu’Adèle est une vieille fille solitaire dont la vie connait bien peu de mouvements. Malgré sa fermeture initiale, leurs rapports deviennent moins tendus. Les mots se font plus nombreux. Leur présence mutuelle devient aussi appréciée que nécessaire. Selon qu’on soit ouvert à percevoir autre chose que l’horreur chez ce papa tueur, on accède tranquillement à l’humanité restante de l’homme.
Cette brèche dans la souffrance – entre autres symbolisée par les éclairages qui s’éteignent à plusieurs reprises, évoquant la lumière qui pénètre dans la noirceur, et par l’accalmie qui s’installe dans le bourdonnement ambiant – permet à l’infirmière d’établir un véritable contact avec l’homme. Elle ose le confronter à ses gestes, ses contradictions, ses failles et toute sa vulnérabilité. C’est ici que la catharsis à l’affaire Guy Turcotte peut s’opérer chez certains spectateurs, et non dans une destruction en règle du personnage.
En plus de miser sur la délicatesse et les nuances du texte de Boucher, la production ébranle le public grâce à ses deux interprètes, solides et touchants. Contrairement aux nombreux rôles d’écorchées et de femmes inteeeenses que Maude Guérin a si bien livrés au théâtre depuis des années, son Adèle est portée par une sobriété coup de poing. Son vis-à-vis, Étienne Pilon, arrive à livrer toute la détresse de son personnage, dépassé par la vie et par la douleur.
De la première à la dernière seconde, la pièce est dirigée par René Richard Cyr avec une éblouissante précision du geste, du ton, des hésitations et des émotions.
La réponse à cette interrogation n’est pas unidimensionnelle, pas plus que les réactions du public ne peuvent être uniformes et consensuelles. Et c’est bien là l’un des grands talents de l’auteur Serge Boucher, qui revient au théâtre après avoir connu un succès indiscutable à la télé avec les téléséries Aveux et Apparences : les nuances et les surprises qui émergent de son histoire sont trop nombreuses pour que les amateurs de théâtre aient l’impression de pouvoir libérer leurs passions si longtemps contenues, ou pas, face à l’ex-cardiologue meurtrier le plus connu du Québec.
Tous n’auront pas envie de lapider ce personnage isolé à l’hôpital, en attente de son procès. Bien que certains resteront sur leurs positions, ne voyant que l’odieux du crime qui leur sera révélé, d’autres seront happés par les circonstances ayant poussé ce papa et ce mari à commettre l’irréparable. Non pas que l’auteur cherche ici à excuser le geste. Serge Boucher s’intéresse davantage à l’après-tempête médiatique entourant les faits divers sordides à la Cathy Gauthier et à la Guy Turcotte.
En imaginant la rencontre d’un criminel et d’une infirmière qui le soigne pendant des semaines, le dramaturge questionne l’éthique des professionnels de la santé, leur obligation à traiter un tel homme, l’attitude à adopter en leur présence, et surtout, la possibilité qu’un humain se cache encore derrière un tueur, et qu’une « relation » puisse naître avec la femme payée pour en prendre soin.
Dès les premiers instants, Adèle (Maude Guérin) se faufile dans la chambre avec un visage placide, les vêtements de travail camouflant son corps et les cheveux tirés. Ses actions sont livrées en silence. Son patient (Étienne Pilon) a beau tenter de l’interpeller, chacune de ses paroles se bute à des monosyllabes.
Puis, des discussions finissent par naître sur des sujets aussi banals que les animaux de compagnie, les habitudes et les horaires de travail. Ces échanges nous font comprendre qu’Adèle est une vieille fille solitaire dont la vie connait bien peu de mouvements. Malgré sa fermeture initiale, leurs rapports deviennent moins tendus. Les mots se font plus nombreux. Leur présence mutuelle devient aussi appréciée que nécessaire. Selon qu’on soit ouvert à percevoir autre chose que l’horreur chez ce papa tueur, on accède tranquillement à l’humanité restante de l’homme.
Cette brèche dans la souffrance – entre autres symbolisée par les éclairages qui s’éteignent à plusieurs reprises, évoquant la lumière qui pénètre dans la noirceur, et par l’accalmie qui s’installe dans le bourdonnement ambiant – permet à l’infirmière d’établir un véritable contact avec l’homme. Elle ose le confronter à ses gestes, ses contradictions, ses failles et toute sa vulnérabilité. C’est ici que la catharsis à l’affaire Guy Turcotte peut s’opérer chez certains spectateurs, et non dans une destruction en règle du personnage.
En plus de miser sur la délicatesse et les nuances du texte de Boucher, la production ébranle le public grâce à ses deux interprètes, solides et touchants. Contrairement aux nombreux rôles d’écorchées et de femmes inteeeenses que Maude Guérin a si bien livrés au théâtre depuis des années, son Adèle est portée par une sobriété coup de poing. Son vis-à-vis, Étienne Pilon, arrive à livrer toute la détresse de son personnage, dépassé par la vie et par la douleur.
De la première à la dernière seconde, la pièce est dirigée par René Richard Cyr avec une éblouissante précision du geste, du ton, des hésitations et des émotions.
« Après » est présentée au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu’au 19 mars 2016.