Même si je connaissais un succès quasi enviable auprès des filles vers la fin du secondaire, je n'en suis pas moins ressorti puceau pour autant. J'ai, pendant un moment, tenté de tenir cette information secrète. D'abord pour m'épargner les moqueries, mais principalement pour échapper à l'émasculation systématique que me réservait avec pitié et condescendance le regard de l'autre.
Les occasions de le faire (l'amour) n'ont pourtant pas manqué. Seulement, c'est moi-même qui me refusais d'aller jusqu'au bout, parce que bon, l'envie n'y était pratiquement jamais. Les filles qui se trouvaient devant moi me faisaient pourtant bander quand je pensais à elles chez moi en soirée, mais une fois à ÇA de concrétiser les ardentes images d'elles et moi qui avaient longuement occupé mes pensées, bof. Je me masturberai ce soir en m'imaginant ce qui aurait pu se passer, ça risque d'être meilleur, que je me disais.
Je me suis longtemps senti cheap, notamment parce que la terre entière semblait fourrer si aisément et parce qu'on n'hésitait pas à me faire comprendre que c'est moi qui étais dans l'erreur de ne pas fourrer. Parce que quand une belle fille qui s'intéresse à toi t'invite à visionner un film chez elle, tu niaises pas avec ça. Tu sautes dessus.
Mais what about si ça ne clique pas? Vous le faites quand même? Mais quelle question idiote: du côté du gars, ÇA CLIQUE TOUJOURS. Du moins, c'est ce que semble vouloir la pensée populaire.
Et don't worry, les filles n'ont pas manqué de raconter combien possiblement j'étais homosexuel, beaucoup trop timide, pas prêt ou encore que je n'aimais tout simplement pas le sexe. Les gars en étaient amusés et en profitaient pour se permettre avec moi quelques leçons câlissement pas sollicitées de «VIENS ON VA TE MONTRER COMMENT ÇA MARCHE AVEC LES CHIX».
Tout le monde avait pris soin d'élaborer sa petite théorie à mon sujet, mais oubliait la plus plausible, la plus évidente: ça ne cliquait tout simplement pas. Faut dire qu'à l'époque, la méthode la plus répandue pour coucher avec quelqu'un était évidemment le précurseur du «Netflix and Chill»; le «VHS and Chill». Alors j'étais là sur le divan chez la fille et on partait le film pour ne jamais tenter le moindre rapprochement. Le film fini: ok bye, on est des amis dorénavant et rien que ça. I'm out.
Rien. Il ne se passe rien du tout. C'est juste awkward. Un turn off.
Quel crétin, right? Nope. En fait, oui, c'est bien ce que j'ai pensé de moi durant plusieurs années jusqu'à me rendre compte que cette approche qui m'avait été soumise comme universelle ne m'avait en réalité jamais parlé. Jusqu'à rencontrer des filles qui, comme moi, préfèrent discuter devant un Latté pendant des heures. Des filles qui, comme moi, trouvent que de visionner un film avec quelqu'un est un sacré gaspillage de bonne compagnie, de discussions et de temps. Des filles qui pourraient bien avoir chez elles le plus sollicité des beaux mecs de Tinder; si elles n'ont pas au préalable partagé avec lui une conversation épanouissante, ça ne risque pas de cliquer.
Mais attention: je ne diabolise pas les gens qui Netflix and Chill. Certains arrivent à s'émoustiller aussi rapidement devant une personne que le temps que ça prend de la swiper du bon bord sur Tinder. Tandis que d'autres peuvent se montrer complètement asexuels tant qu'un bing bang intellectuel n'est pas survenu. Je suis de ceux-là, de ceux qui ne Netflix and Chill pas.
Netflix and Chill élimine d'emblée la partie la plus intéressante qui n'est certainement pas le sexe.
More like Convo de 8 heures devant un café and Chill.