Pour souligner la journée des femmes, on lit des écrivaines créatives, mordantes, talentueuses. En un mot: incroyables.
Filles missiles
Collectif
Magazine, 8$, sur Etsy et chez Drawn & Quarterly.
Les filles missiles portent bien leur nom, avec leurs plumes coriaces, parfois nostalgiques, qui refusent les moules, arpentent les corps et dissèquent les rapports amoureux. Prolongement de la plateforme web, leur magazine papier continue de créer des mariages explosifs entre l’essai, l’analyse sociale, la poésie et l’art, tous pénétrés des nouveaux codes virtuels, comme en témoignent les poèmes construits à partir des commandes du jeu Sims, une mosaïque amérindienne recréée avec des photos de cellulaire ou une série d’images inspirées par un mot-clic sur Tumblr. « Les filles aussi ont un cri de guerre », écrit Daphné B. et on ne peut que lui donner raison.
Saufs
Fannie Loiselle
Roman, Marchand de feuilles, 23,95$, en librairie.
Difficile de ne pas reconnaître notre génération désillusionnée dans ce premier roman à la beauté tragique de l’auteure des Enfants moroses. Marie-Ève et Mathieu, jeunes mariés, jouent aux adultes dans leur nouvelle maison de Brossard mais quelque chose ne tourne pas rond, comme s’ils se démenaient dans un décor de carton-pâte. Tandis qu’il passe ses nuits à jouer aux jeux vidéo, elle n’arrive pas à fermer l’œil et se remémore des souvenirs de sa jeunesse perdue. Gros coup de cœur pour la prose de Loiselle, qui peint la banlieue comme un inquiétant stationnement désert où viennent s’échouer les rêves.
Lazare mon amour
Gwenaëlle Aubry
Essai, Héliotrope, 12,95$, en librairie
Lazare, c’est celui qui ressuscite : une figure forte pour représenter Sylvia Plath, plusieurs fois revenue d’entre les morts après des tentatives de suicide, mais qui réussira finalement à mettre fin à ses jours à 30 ans. Cette idée de « sur-vivance » tient aussi dans une vie vécue avec excès, celle d’une écrivaine « électrique » qui veut être tout, et pour qui l’écriture semble le seul rempart – pour un temps – contre l’autodestruction. Voilà un court essai extrêmement riche, dont le ton vif épouse l’intensité de son sujet, et où Aubry sonde les mots et les photos pour toucher au feu qui palpitait en Plath.
Bleuets et abricots
Natasha Kanapé Fontaine
Poésie, Mémoire d’encrier, 17$, en librairie.
À seulement 24 ans, la jeune Innue est l’une des poètes autochtones montantes. Son écriture est furieusement féminine, organique, charnelle : elle enfante, donne des fruits, ensemence la terre et renaît dans les cendres laissées sur les territoires saccagés des ancêtres. Les mots, à la fois révolte et résistance, permettent ainsi d’accoucher de soi, mais d’un soi qui porte un peuple, toutes les premières nations américaines bafouées par les colonisateurs, que la poète invoque avec une adresse époustouflante dans une langue où bruissent les forêts, les rivières, les animaux.
Dérangés
Violaine Leroy
BD, La Pastèque, 36,95$, en librairie.
Il y a Judith, une insomniaque qui souffre d’hallucinations; Nenad, un maçon à la retraite qui se transforme en artiste contemporain; et le gardien de nuit d’un musée qui semble être atteint de TOC. Des êtres dérangés chacun à leur manière, projetés hors de leur trajectoire par des éléments perturbateurs. N’est-ce pas finalement un constat sur l’art en tant que tel, qui trouble chacun de nous pour nous entraîner vers des chemins insoupçonnés? Un travail colossal sur la forme, autant narrative que graphique, qui crée un ballet tout à fait hypnotisant.