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La peur d’avoir peur ou comment éviter de mourir dans l’allée des gâteaux congelés
Crédit: Johana Laurençon

Quand j’ai eu ma première crise de panique, je ne savais pas ce qui m’arrivait. J’avais 14 ans et j’étais dans un avion. Assise avec ma famille, j’ai commencé à avoir mal au cœur et il y avait des caméras du service des nouvelles qui filmaient le brand new 747 dans lequel on était. Je ne voulais pas vomir devant les caméras et m’embarrasser ou embarrasser ma famille, mais plus j’essayais de contrôler mon malaise, plus la panique s’installait et c’est là que je me suis mise à hyperventiler, ce qui m’a fait paralyser des mains et vomir sur moi-même.
Une scène classique de comédie-caca vue de l’extérieur, mais un épisode d’humiliation complète et totale pour moi.
 
Fast forward quelques années : je suis une jeune étudiante fraîchement arrivée à Montréal. Je vis une série de grands changements en peu de temps : je passe de petite ville à grande ville, du cégep à l’université, d’un programme français à un programme anglais, et de la maison familiale en appartement.
Je vous jure j’aurais vraiment aimé me sentir comme une jeune Carrie Bradshaw pleine d’ambition et de talons hauts (juge pas c’était vraiment populaire dans le temps), sauf que cette période de stress m’a fait revivre certains symptômes de ma crise de panique de l’avion, ce qui m’a profondément troublée et c’est comme ça que pendant près de deux ans, j’ai souffert de trouble panique avec agoraphobie.
 
Tsé c’est vraiment cool avoir peur du métro quand tu dois le prendre chaque jour. C’est vraiment pratique avoir peur des salles de projection quand tu étudies en cinéma et que tu dois regarder six films par semaine. T’as pas l’air épaisse du tout quand tu traînes ton flacon d’Ativan pour prendre l’ascenseur « au cas où il tombe en panne ». Et puis, c’est tellement le fun vivre 24 heures sur 24 dans un état extrême de tension physique et mentale parce que ton corps et ton cerveau ont constamment l’impression d’être dans un environnement hostile.
(Voyez comme je maîtrise bien le sarcasme.)
 
La peur d’avoir peur, c’est terrible vivre avec ça. C’est épuisant. Pour soi et pour ceux qui nous entourent. L’agoraphobie nous place dans une fausse position de vulnérabilité, nous fait croire qu’on est plus faible qu’on ne l’est. Ça nous fait douter de nous-mêmes au point où on a peur d’aller à l’épicerie toute seule.  
 
C’est grâce à une thérapie et surtout grâce à ce livre que j’ai réussi à surmonter cette phobie et à retrouver ma liberté et ma confiance.
Le point névralgique de mon traitement a été d’arriver à modifier mon discours intérieur.
J’ai réussi à passer de ceci :
« Je suis à l’épicerie et je suis nerveuse, j’aime pas ça, c’est ben stupide coudonc je suis toujours ben juste à l’épicerie pourquoi j’ai l’impression que je vais mourir oh fuck je vais faire une crise de panique, oh my god je me sens étourdie ça y est je vais hyperventiler et faire une crise cardiaque ou devenir folle devant tout le monde et on va m’interner dans un asile et je vais devenir une légende urbaine genre la fille qui est devenue folle dans le rayon des gâteaux Deep n’Delicious du Métro Richelieu quelle fin de vie horrible vite je vais rentrer chez moi et me cacher dans mon lit forever. »
 
… à cela :
« Je suis à l’épicerie et je suis nerveuse, j’aime pas ça, je vais faire une crise de panique, WÔ STOP, belle fille, attends un peu, c’est une épicerie, c’est pas dangereux une épicerie et puis si tu contrôles ta respiration inspire 3 secondes expire 6 secondes voilà tu vois ton cœur s’est calmé ne te sauve pas reste encore un peu jusqu’à ce que les autres symptômes diminuent tu vas voir une fois ce moment passé tu vas réaliser que c’était pas si pire t’es vraiment capable de passer à travers ça tu as passé à travers bien pire respire doucement c’est ça t’es bonne je suis fière de toi maintenant prends ton Deep n’Delicious et va payer. »
 
Je ne voulais vraiment pas devenir victime de mon agoraphobie. Quand tu te sens claustrophobe dans ta propre phobie, c’est qu’il est temps de kicker le cul de ce trouble de merde.
Il m’a fallu quelques années pour désamorcer toutes les fausses alarmes que mon corps m’envoyait, mais aujourd’hui tout est sous contrôle.
Je n’ai plus jamais fait de crise de panique. Mais, en éternelle soucieuse, il m’arrive quelques fois d’avoir des relents d’agoraphobie (dont un épisode FORT AMUSANT au musée du Vatican), mais je sais maintenant comment m’apaiser.
 
Si jamais tu t’es reconnu dans ce que je viens de raconter, j’aimerais que tu retiennes ceci : c’est pas dangereux des crises de panique. Personne n’en meurt. C’est juste fucking désagréable à vivre. Sauf que t’es pas obligé de supporter ça. Ça se règle.
Consulte le site de l’organisme REVIVRE pour découvrir différentes ressources.

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