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Devrais-je publier cette selfie?
Crédit: Audrey PM

Il y a quelques semaines, j’ai finalement appris comment me servir de Snapchat. Et évidemment, dès le départ, j’ai pris un plaisir fou à faire les pires faceswaps de l’histoire de l’humanité.

 
Puis, j’ai découvert le « beauty » filtre. Celui qui t’éclaire et t’unifie la face en faisant disparaître cernes, rides et rougeurs et qui t’affine les contours du visage. Ta face devient un « après » de pub de crème anti-âge en un seul swap.


J’en suis encore fascinée. Je me regarde avec ce filtre et je me trouve belle et je me mets à souhaiter pouvoir vivre le restant de mes jours avec ce filtre étampé dans la face. Hélas.
 
J’ai publié quelques selfies ainsi filtrées sur mon compte Instagram et j’ai hésité longtemps à savoir si je devais mentionner en commentaire la présence du beauty filtre. Si je me devais de dire « Voici ma face mais ATTENTION j’ai quelques cernes et freckles en plus dans la vraie vie ». J’ai essayé de le faire, mais j’avais vraiment l’impression de dire « Désolée, voici ma face qui est comme maquillée, je m’excuse, vous avez raison je suis beaucoup plus laide en vrai, je suis désolée, je me trouvais juste cute comme ça, pardonnez mon vil narcissisme j’ai cédé à la tentation superficielle de me trouver belle ». Faque j’ai écrit des niaiseries à la place.
 
C’est un peu comme mon rapport avec le maquillage. J’en porte comme on choisit de porter des shorts ou des jeans. C’est à dire : j’en porte quand j’en ai envie. Je ne vois pas pourquoi je justifierais à quiconque les raisons qui me poussent à publier une photo de ma face, filtrée ou non, tout comme je n’ai pas à prouver à quiconque que je suis un être humain complexe et intéressant au-delà de ma décision de publier ma face.
 
Pour citer la merveilleuse India Desjardins dans son récent post sur Facebook : « L’importance de l’apparence physique est celle qu’on lui donne. Et c’est personnel à chacun. On devrait être capables de se trouver belles, avec nos différences, sans adhérer aux modèles qu’on nous impose. Ça devrait être correct de se trouver belle en mou avec une repousse de cheveux blancs, tout comme ça devrait être correct de se trouver belle si tu mets une belle robe et du maquillage. »
 
La selfie est un code moderne qu’on peut utiliser pour s’approprier notre corps. Et en ce moment, il nous permet d’exposer toutes nos différences et de faire ressortir toute la complexité de notre beauté.
 
Mais restons conscientes de ceci : la responsabilité d’être belle, c’est de la foutaise. La responsabilité d’être une bonne personne, pour soi-même et pour ceux qu’on aime, devrait toujours être plus importante.
À nos funérailles, personne ne dira : «Elle faisait de si belles selfies.»
Être une bonne personne, ça ne s’illustre pas facilement sur Instagram ou Snapchat. Et c’est vraiment pas grave. Les plateformes qui véhiculent ces images sont elles-mêmes des filtres de nos vies. C’est une difficulté de plus dans notre quête de profondeur et de vérité.
 
Le magnifique billet de Stéphanie Boulay suggère de belles pistes de solutions. Elle a raison lorsqu’elle dit : « Essayons d’offrir plus. »
 
La réflexion continue, mais pour le moment je vais continuer de traiter mes selfies comme ce qu’elles sont : une auto-validation de mon apparence physique. Pas un moyen, une fin. Juste le résultat de ce que j’aime sur mon apparence. Le reste de tout ce qui fait de moi un être humain complexe et intéressant réside ailleurs, et continue de se révéler.

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