Aujourd’hui est un grand jour. Aujourd’hui sort «Demain», le documentaire écologique réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent qui a obtenu le César du meilleur film documentaire cette année. À l’affiche depuis décembre 2015 en France et vendu dans trente pays, le film connaît un succès. Il était temps qu’il arrive au Québec!
Des réponses simples à des questions simples
On montre souvent ce que l’humain peut faire de pire. Mais pourquoi ne pas montrer ce qu’il peut faire de mieux? C’est la question que se sont posée Cyril Dion et Mélanie Laurent il y a quelques années ayant bien conscience que notre planète va mal et que la situation s’empire.
Fatigués d’essayer d’expliquer les enjeux écologiques de demain à travers des scénarios catastrophe que plus personne ne veut entendre, les deux réalisateurs ont compris que pour agir, il fallait inspirer, émouvoir et apporter des solutions. Mieux que ça, il fallait montrer les actions concrètes mises en place dans le moment présent. Pas demain, maintenant!
Le documentaire s’articule autour de plusieurs concepts tels que l’agriculture, l’énergie, l’économie, l’éducation et la démocratie, tous racontés sous forme d’anecdotes de petites actions menées par des hommes et des femmes dans les quatre coins du globe. Chaque initiative est une histoire. Empilées ensemble, ces initiatives donnent l’envie d’agir.
Nightlife a eu la chance de rencontrer Cyril Dion, de passage à Montréal pour présenter son film au Québec.
NIGHTLIFE.CA: Comment as-tu été reçu au Québec?
Cyril Dion : L’accueil est incroyable. Nous avons fait quatre projections, avec des tonnerres d’applaudissements, des gens étaient debout, et j’ai ressenti beaucoup de chaleur dans les questions. Pendant l’avant-première, beaucoup de gens pleuraient dans la salle. C’était vraiment fort. Les premiers retours sont à peu près les mêmes qu’en France. C’est très positif puisqu’aujourd’hui, le film connaît un franc succès. Nous avons atteint la barre des un million de spectateurs à ce jour.
NL: Tu as réussi à aborder de façon positive une situation catastrophique. Comment t’as fait ça?? (Oui, parce que deux Français qui se parlent à Montréal se tutoient et disent t'as fait ça!)
C.D : J’ai toujours envie de réparer les choses quand elles vont mal. Ça fait des années que je vois que la situation est très grave, je vois que ça ne bouge pas; que les gens se rendent compte que ça va pas, mais rien ne les motive à changer. D’une certaine façon, j’ai fait le film que j’avais moi-même envie de voir au cinéma. Je voulais voir un film avec des gens beaux, inspirants, des gens qui nous ressemblent, qui soient dans le monde entier, qui filent la pêche. Je voulais un film avec de la musique, qu’on puisse apprendre des choses, mais aussi être émus, touchés, parfois en colère.
Un réalisateur doit être le spectateur de son film. Il faut que le film lui plaise à lui.
NL : Il faut avoir une sacrée confiance en soi pour y croire et pour lancer un film dont peu de gens croient au départ. Comment as-tu gardé espoir dans les débuts?
C.D : En fait, j’étais sûr que ce film devait exister. J’avais tellement envie qu’il existe, que j’étais certain que plein d’autres personnes le voulaient aussi. Au début, quand on ne trouvait pas d’argent (et ça a duré trois ans!), on s’est dit qu’on allait essayer de voir combien de gens voulaient voir ce film naître. Alors, on a fait un crowdfunding (financement participatif, ndlr) sur un site. Nous avons demandé une somme importante car nous voulions que le projet soit concret. Nous voulions recueillir 200 000 € en deux mois, et nous les avons eus en trois jours. Au total, on a obtenu 450 000 €. On était comme des fous avec Mélanie! C’était un record du monde de levée de fonds sur Internet. Tout à coup, les distributeurs ont changé d’avis concernant notre film (rires). Cette levée a été la confirmation que les gens avaient besoin de voir le film pour avoir espoir.
NL : Aujourd’hui, le film a été vendu à une trentaine de pays. Mais les États-Unis restent encore sceptiques. Qu’est-ce qui bloque?
C.D : Oui, il manque encore les É.-U. et l’Angleterre. Il y a eu plusieurs arguments : le premier était que les Américains ne s’intéressaient pas aux histoires positives. Ce qui m’a beaucoup surpris, je pensais que c’était plutôt l’inverse (rires). Le deuxième argument était que le marché du documentaire était très complexe dans leur pays. Je ne comprenais pas bien cette réponse étant donné que ce marché est compliqué partout dans le monde. Puis, on nous a dit que le film nécessitait trop d’accompagnement, qu’il fallait mobiliser des gens pour le promouvoir. On a eu beau leur expliquer que tous les pays avaient très bien reçu le film, ils ne croyaient pas en son potentiel commercial.
NL : Ton film sort de la sphère des militants écologistes, il touche le tout public. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un million de Français se sont retrouvés dans les salles de cinéma. Ressens-tu déjà l’impact du film sur les gens?
C.D : La prise de conscience est dingue! On reçoit des centaines de messages par semaine de gens qui nous racontent ce qu’ils font après avoir vu le film. Certains ont même quitté leur job. Les gens créent des monnaies locales, des jardins en permaculture. Plus de 100 000 lycéens ont vu le film, il a été projeté à l’ONU, le conseiller de Ban Ki-moon nous a même dit qu’il devait être vu et faire partie de la formation de tous les responsables politiques sur la planète!
Tu l’auras compris, le film «Demain» est une bouffée d’air, un instant d’optimisme pur qui laisse place à l’espoir et à l’envie d’agir. Nous changerons le monde en nous changeant nous-mêmes. Cyril Dion, le Gandhi des temps moderne? Ha!
Visitez le site de Demain ICI (avec des conseils pour mener des actions) et leur page Facebook ICI.