Documentaire, qui fait dans la sensation de ses lourdes révélations, réalisé à la manière d’un docu-reportage de 90 minutes – Farrier est avant tout un journaliste de formation, ses influences sont visibles dans le ton de sa réalisation. « Tickled est une histoire très compliquée. Deux ans pour aboutir. J’aimais bien l’idée d’avoir toutes ces informations et de les présenter sous des apparences camouflées que les gens ne penseraient pas voir. J’ai un faible pour les films darks qui amènent dans des endroits obscurs. J’aime bien les trucs qui font rire, mais d’une approche “point de vue social”. Je regarde beaucoup de documentaire. J’ai beaucoup aimé The Imposter, The Jinx est une série débile. Je tripe aussi sur les enquêtes à la Serial. Upstream Color est un film que j’ai adoré. Un film très étrange. J’aime ce qui est étrange et unique. Des films qui m’amènent là où je ne pensais pas me retrouver. »
Un labyrinthe complexe qui débute par un courriel agressif et homophobe reçu (Farrier est homosexuel). Il contacte une compagnie qui fait dans le guili-guili. Choqué par le ton insultant – intimidant de leur réponse, il se motive à trouver l’identité de la personne cachée derrière les mots haineux. « Je ne crois pas que les gens réalisent à quel point il est nocif d’entretenir des propos à caractère homophobe. Chaque commentaire homophobe tenu peut être récupéré par une autre personne, elle aussi homophobe, et tout ça ne peut qu’être très négatif. Chaque commentaire homophobe alimente cette négativité, même une blague faite sur le go pour faire rire les autres en le jugeant sur sa sexualité. Le plus vite qu’on se défait de l’homophobie, le mieux va se porter notre société. J’ai mis les pieds aux États-Unis une journée avant la tragédie à Orlando. C’est une attaque ciblant spécifiquement la communauté LGBT. Après, on voit à la télé des dirigeants aux États-Unis clamer une tragédie sans mentionner que tout ça était lié par une pensée homophobe. Le mot gai laissé de côté après les premières heures de l’attentat. C’est très dérangeant et troublant. Tout ça est vraiment triste. »
Sa recherche l’amènera à échanger avec des participants à ces vidéos coquins qui étaient dirigés par la personne aux comportements troubles. Des candidats aux séances extrêmes à la vie changée, vicieusement attirés par la pluie de cadeaux et d’argent, pris au piège d’un bourreau qui les manipule à grands coups de menaces et d’intimidation. Et une fois la démarche enclenchée, impossible de se retourner. Le prix d’une liberté devient cher à payer en coût moraux et laisse une réputation salement entachée.
Farrier à mis le pied dans ce terrain de jeu exclusif, par son film et est devenu aussitôt persona non grata. « Des gens ciblés dans le film nous menacent constamment avec des actions en justice. À un festival de film au Missouri, deux diffamations. La fin de semaine dernière à Los Angeles, ils ont annoncé des procédures sévères à notre égard. Le film est terminé, mais de mon côté c’est pas mal la suite de l’histoire qui se continue et que je dois subir dans mon quotidien. C’est assez déconcertant. Les dirigeants de la tickling compagnie nous avait déjà informés de leurs intentions de nous traîner en justice durant le processus du film, alors j’imagine que tout ça arrive sans surprise… Mais on a fait le film parce que nous avons vu de graves injustices se passer. Il y avait des trucs pas clairs et beaucoup trop croches. On devait agir pour ne pas donner raison à ceux qui agissent dans le tort. »
Objet documentaire pour montrer le côté sombre de notre société là où les plus riches profitent des plus pauvres et montrent les limites presque infinies de l’argent. Un saut se fait également du côté de Richard Ivey, un homme qui fait dans la même industrie, sans la salir pour autant. N’en reste que le monde du chatouillement se compose de jeux de soumission, voir de torture douce, qui reste assez particulière à regarder pour les non-adeptes (*la séquence tournée avec le consentement du participant!). Ouvert à se sortir de sa zone de comfort et à mettre au défi ses émotions, Farrier s’est adonné à l’exercice devant la caméra d’Ivey. Il ne recommencera pas. « Je n’aime pas être chatouillé. Je n’ai pas mis la séquence dans le film, mais plutôt sur YouTube. Je l’ai vu comme un évènement intéressant, une aventure qui allait se dérouler dans ma vie, mais c’était vraiment juste déplaisant. Il n’y a pas de sortie de secours. Je crois que je devais l’essayer au moins une fois dans ma vie. Jamais plus. »