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Notre critique de « Mary Poppins » en français : elle est « pra-ti-que-ment parrrfaite » !
Crédit: Laurence Labat

Aucun œil avisé ne peut prétendre que la première adaptation francophone de Mary Poppins soit sans faille. Cependant, la mégaproduction estivale de Juste Pour Rire dépasse d’une tête (ou de plusieurs) Hairspray, Grease, Sister Act, Un Violon sur le toit, Chantons sous la pluie, La Mélodie du bonheur et compagnie. Sa grandiloquence et la qualité de ses interprètes transportent le public dans les hautes sphères du plaisir. 

Avant de décortiquer la machine scénique, il est impératif d’écrire quelque chose, de le souligner et de le crier haut et fort : l’interprète de Mary Poppins, Joëlle Lanctot, est l’une des plus belles choses qui soient arrivées à la comédie musicale québécoise depuis longtemps! On avait été ébloui par son talent l’an dernier, alors qu’elle interprétait Betty Rizzo dans Grease, mais on doit désormais trouver de nouveaux adjectifs pour décrire sa splendeur.


Même si elle a hérité d’un personnage mythique qui éveille en tout un chacun une étincelle de bonheur, encore fallait-il être à la hauteur! Et elle l’est. Vraiment. Sa Mary est à la fois gracieuse et autoritaire, charmante et déterminée, indépendante et aimante. Toutes les répliques sont lancées avec une extrême justesse. Sa partition vocale, hautement relevée, est livrée avec une aisance de tous les instants. Pour tout dire, on s’ennuie d’elle chaque fois qu’elle ne se retrouve pas dans une scène…

Non pas qu’elle soit le seul élément positif de la production, au contraire, mais chacune de ses présences ajoute un supplément d’âme à l’ensemble.

On salue d’ailleurs la décision des producteurs d’avoir opté pour une distribution presque entièrement composée d’interprètes qui ne sont pas des vedettes populaires. Bien qu’il soit aujourd’hui difficile de monter un spectacle sans têtes d’affiche qui intéressent les émissions culturelles estivales, les magazines à potins et les médias généralistes, afin de remplir le Théâtre Saint-Denis et ses 2150 sièges des dizaines de fois, on se plait à découvrir des personnages, à se concentrer sur des émotions et à se laisser porter par des voix, plutôt que d’être heureux de retrouver le p’tit gars qu’on a connu à Star Académie ou la jeune femme découverte à La Voix. Eux qui ne possèdent que très rarement la triple couronne des comédies musicales : la voix, le jeu et la danse.


Ironiquement, le plus connu des interprètes du spectacle est le moins convaincant. René Simard n’est pas tout à fait crédible quand il doit jouer l’amertume, l’intransigeance et la colère de Mr. Banks, mais le tout s’améliore au fur et à mesure que son personnage s’humanise.

Heureusement, la production mise sur des enfants acteurs éblouissants. Contrairement à certains jeunes artistes qui se contentent d’être cute, mais dont la maladresse réussit à dégonfler une scène, Alexandra Sicard (Jane) et Alessandro Gabrielli (Michael) sont dotés d’un brillant sens du timing, d’une véritable compréhension de l’histoire et de magnifiques voix. Alexandra, qu’on a vue souvent à la télé et dans La Mélodie du bonheur quand elle avait six ans, fait déjà preuve d’une solide expérience.

À l’image de ces deux beaux enfants, le public est stupéfait en découvrant les prouesses de Mary Poppins, la magie dont elle fait preuve, les jouets, les statues et les arbres qu’elle ramène à la vie, et sa capacité de nous faire voir au-delà des limites de nos prunelles.

Afin de rendre justice à son univers, les créateurs ont tout fait pour offrir une variété de décors comme jamais auparavant dans une comédie musicale québécoise. N’empêche, on ne peut passer sous silence l’utilisation peu fructueuse des projections pour nous faire passer d’un environnement à l’autre. Pour un public habitué aux productions de Robert Lepage, qui sait si bien marier les éléments de décors en trois dimensions aux projections visuelles vivantes, il est difficile d’observer sans sourciller des photos statiques ou des projections multimédias correctes, mais sans plus, souvent présentées sur un écran à la mauvaise hauteur.

Les transitions sont un peu longuettes. L’équipe technique ne respecte pas parfaitement ses « cues », une faute impardonnable après deux semaines de représentations. La traduction en français de Serge Postigo est respectable, mais ne possède pas la même poésie ni la même fluidité musicale que la version originale.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Les chorégraphies signées Steve Bolton sont réjouissantes. Les danseurs sont à ce point talentueux et enthousiastes qu’on aurait pu les utiliser deux fois plus. Certains numéros, tel « Supercalifragilisticexpidélicieux », entraînent les spectateurs, même les plus blasés, dans un élan d’allégresse infini. Et il se dégage de Mary Poppins une aura de bonheur impossible à renier.

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