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Le Détesteur: chers Radio X et Jeff Fillion, parlons transphobie, voulez-vous?
Crédit: Murphy Cooper / Johana Laurençon

Chers Jeff Fillion et Radio X, comme bien des Montréalais, il m'est d'avis que vous dégueulez sur une base régulière des ignominies que je juge tout à fait exécrables. Cela étant dit, je ne suis pas à espérer vous les entendre vomir jour après jour dans l'espoir unique de pouvoir concrétiser ma haine des radios de Québec. Vous connaissez certes vos moments d'accalmie où vous n'avez d'ailleurs rien de bien intéressant à dire. Boring as fuck.

J'ai même souvenir d'avoir tapé sur les doigts de mes ami-e-s et collègues montréalais-e-s qui s'étaient opposés vivement à votre arrivée dans la métropole alors qu'ils ne s'étaient fiés à ce moment-là qu'à deux ou trois extraits hébergés sur RadioEGO. Je veux dire, même si au final je vous trouve à la fois insignifiants et câlissement dangereux, encore faut-il investiguer ne serait-ce qu'un tout petit peu afin de pouvoir valider cette pensée — ce que j'ai fait — sans quoi, on risquerait de parler à travers notre chapeau.

Malgré tout ceci, quand j'ai à m'insurger d'un propos entendu sur votre chaîne, je m'insurge comme ça vient et puis le jour suivant en est un autre. Dans ma tête, vous n'êtes pas d'avance crucifiés. On recommence. Il est probable que vous puissiez cracher autre chose que des conneries, après tout. J'écoute. Mauvaise foi en moins. Même si, tsé. Mais oui, je vous écoute sporadiquement avec intention de me tenir à jour, mais aussi, pour ne pas laisser à la droite l'opportunité de me reprocher de boucher mes oreilles face aux idées qui divergent lourdement des miennes. Ça adonne bien, je ne suis pas un adepte du confort.

S'il est vrai que j'aime bien que mes idées soient sans cesse confrontées, je préfère tout de même que celles de l'adversaire demeurent dans la même époque que la mienne. L'époque en cours, je veux dire. Récemment, j'ai longuement discuté avec un adepte du carré vert, et pour être franc, cet échange fut riche. Il appartient à cette droite, du moins économique, qui n'est pas forcément dépourvue d'empathie. Cet homme s'affichait comme étant pro-féministe et savait bien qu'un jour ou l'autre il allait devoir mettre un trait sur la consommation de viande.

Mais c'est ça votre truc, Radio X. L'empathie, vous ne l'avez pas. Cette absence d'empathie que vous semblez imputer à tort à la droite. Par opposition obstinée à la gauche. Comme si vraiment c'était le propre de la gauche. Je dirais plutôt que c'est un truc humain qui, notamment, permet de distinguer les psychopathes des autres.

La semaine dernière, je suis tombé sur non pas un seul extrait mais bien deux où on peut entendre vos animateurs — dont Jeff Fillion — se foutre sévèrement de la gueule des personnes transgenres.

Sous les incontrôlables gloussements, Dom Maurais et son équipe ont décrit la photo d'une personne trans qu'on peut voir allaiter le nouveau né comme s'il s'agissait-là d'un horrible monstre. Et comme si les railleries n'étaient pas déjà suffisantes, ils ont refusé de reconnaître aux transgenres le genre dont ils se réclament en plus d'employer les termes inadéquats: « C't'une fille qui est devenue un gars ». NOPE. Les femmes trans sont des femmes ainsi que les hommes trans sont des hommes. Une personne transgenre ne devient pas le genre opposé ; elle l'est depuis toujours.

Véritable guerilla marketing, l'étiquette « les mêlés » fut également martelée à tout va plusieurs fois afin, on présume, qu'elle intègre le lexique Radio Xien pour de bon.

Au contraire, les personnes trans ne sont pas mêlées. Elles savent très bien ce qu'elles sont et depuis assez tôt dans leurs vies. Les mêlés, ce sont les animateurs de mauvaise foi qui préféreraient que les choses ne changent jamais. 

« Le mêlé », « Le gars-fille », « C'est pas beau, là! », « Des seins poilus ». Rires bien gras et moqueurs.

Jeff Fillion de son côté réitérait. Des mêlés. Des weirds. Un petit gars vêtu de rose, c'est non, lançait son collègue Gerry. Et si, par malheur, le fils de Jeff devait appliquer sur ses ongles du vernis, il lui couperait les doigts, nous apprenait Fillion, à la blague.

Ce n'est pas la droite, ça. C'est juste très… mononcle ignare en tabarnack. Et lâche. Et d'une autre époque. Pas la mienne en tout cas.

« Dans le temps, on les mettait dans une bâtisse ou on leur donnait des pilules » — Jeff Fillion

Avant c'était comme ça. Pis maintenant c'est pu comme ça. Great! Voilà qui me convainc. Avant on les battait, tuait, humiliait ; maintenant on envisage leur offrir une troisième toilette. C'était bin mieux avant, han Jeff? C'est pas un argument ça, « avant ». C'est une observation. Et « ne plus menacer l'intégrité physique et morale d'une personne » n'est pas un recul mais bien un pas vers l'avant.

Fillion (et ses collègues) semble vouloir parler des toilettes et des jouets non-genrés comme d'une victoire sur sa petite personne, d'un recul pour l'homme blanc hétérosexuel. Pourtant, selon le National Coalition of Anti-Violence Programs, 55% des meurtres rapportés du côté de la communauté LGBT sont ceux de femmes trans. 50% d'entre eux sont commis sur des femmes de couleur. Au primaire/secondaire, 78% des fluides/trans rapportent avoir été victimes de harcèlement tandis que 35% ont été agressés physiquement et 12% sont les survivant-e-s d'une agression sexuelle. Tout ça sans tenir compte des discriminations en tout genre.

Je m'explique mal comment Jeff Fillion arrive à se sentir menacé par ce qu'il considère lui-même une minorité de gens, sans compter qu'il décrit des événements qui se sont déroulées dans un Target de la freaking Caroline du Nord. C'est donc comme ça qu'on fait de la radio-poubelle? En se créant des peurs à partir d'enjeux qui ne risquent même pas d'avoir un impact sur notre confortable vie? En voulant choisir pour les autres? En résistant au progrès? En s'opposant au bien-être des opprimés qui, pour une fois, arrivent à entrevoir une lueur d'espoir? En conviant les auditeurs à rester coincés dans le passé? 

Esti que c'est chiant l'empathie, quand même. Ça me brime dans mes privilèges d'homme qui fait tout ce qu'on attend de lui. Ça me pousse à nourrir une réflexion que je croyais pourtant déjà bien aboutie. Ça m'empêche d'alimenter la séparation entre les bizarres pis moi. Me semble que si je trouve ça weird, ça doit bien être parce que j'ai raison. Non? 

Non. 

Si vous trouvez que les choses vont trop vite pour vous, débattez-en dans votre cuisine. Renseignez-vous. Remettez-vous en cause des fois. Mais ciboire, cessez d'étaler votre ignorance sur la place publique. Vous êtes de dangereux mononcles et la transphobie est un mal, au même titre que l'homophobie, la misogynie et le racisme, que nous devons, tout le monde, vigoureusement dénoncer. 

Vous avez peur pour rien. Et de toute manière, qu'est-ce que vous en savez? Comment pouvez-vous être aussi certains (et fiers, manifestement, puisque sévèrement méprisants) qu'aucune personne de votre entourage s'avère être transgenre? Impensable, han? C'est un truc de la gauche, c'est bien ça? C'est une affaire de Montréalais? 

Tenez-vous en donc au hockey. La socio-politique, c'est pas pour les gens qui sont fatigués de penser.

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