On connaissait déjà l'histoire racontée par Sophie Bienvenu: ça a d'abord été un livre, puis une pièce de théâtre. Ensuite, ça avait été annoncé que le roman Et au pire, on se mariera, serait transposé sur grand écran par Léa Pool, et on avait très hâte de voir de quelle manière serait présenté l’histoire et, surtout, si on allait l'aimer autant que le livre et la pièce. Et lundi, on a eu la chance de se rendre à la grande première du film, au Théâtre Outremont.
Et au pire, on se mariera, c'est l'histoire d'Aïcha (Sophie Nélisse), une jeune ado qui en veut beaucoup à sa mère (Karine Vanasse) d'avoir rompu avec son beau-père qu'elle aimait beaucoup. Trop, peut-être. Et vice-versa. C'est alors qu'elle rencontre Baz (Jean-Simon Leduc), un homme de deux fois son âge, et qu'elle a un véritable coup de foudre pour lui.
Le film traite oui de l'intensité du premier amour, et, dans ce cas-ci, d'un amour interdit que porte Aïcha envers Baz, qui lui essaie tant bien que mal de repousser ses avances, voyant la jeune fille plutôt comme sa petite soeur qu'il souhaite protéger. Mais c'est d'abord un film qui parle de la ligne pas toujours claire entre le bien et le mal et de sujets tabous: amour impossible, pédophilie, famille dysfonctionnelle et l'adolescence en général. Heureusement, il y a quelques moments plus légers, voire drôles, qui, grâce à la naïveté et la spontanéité d'Aïcha, viennent alléger un peu l'atmosphère de la salle.
De prime abord, le personnage d'Aïcha n'est pas facile à aimer. C'est une jeune fille mature et débrouillarde, mais aussi manipulatrice, menteuse et colérique, avec qui les prises de bec avec sa mère vont au-delà des engueulades « normales » entre une ado de 13 ans et sa mère. D'ailleurs, Karine Vanasse est excellente et surtout très convaincante dans le rôle de la mère. La scène dans la voiture où elle essaie de faire dire à Aïcha si son ancien beau-père l'a déjà touchée ou non est absolument poignante. Mais malgré tout, Sophie Nélisse donne une candeur à Aïcha qui fait en sorte qu'on a tout de même de l'empathie pour elle. On voudrait la rassurer et lui dire que ça va bien aller, que ça va passer.
Le film se déroule sans véritable chronologie, mais le « noyau » de l'histoire se passe dans un poste de police, où Aïcha, après avoir été arrêtée, décrit ce qui s'est passé dans sa propre version des faits, en revenant souvent sur ce qu'elle a dit. On ne voit jamais la personne à qui elle répond (on peut tout de même voir que c'est une femme), et on n'entend pas non plus les questions que lui pose son interlocutrice. À la lecture ça va, mais au cinéma, cette technique déroute un peu au début. Par contre, on s'y habitue et on en comprend même la nécessité au fil du film. C'est qu'en fait, les scènes s'emboîtent comme un casse-tête et ça laisse donc énormément de place à l'interprétation, chacun pouvant sortir de la salle avec sa propre idée de ce qui s'est, ou non, passé: tant dans l'histoire avec son beau-père que dans sa relation avec Baz, mais aussi dans la finale du film, dont on ne parlera évidemment pas ici.
Même si le film est un peu plus « soft » que le livre, qui est beaucoup plus cru et choquant, on sort tout de même chamboulé par ce récit dur et intense. Et malgré que ce soit un film très chargé émotionnellement, on te recommande vivement d'aller le voir en salles, que tu aies lu le livre ou non.
Et au pire, on se marera, en salles dès le 15 septembre 2017.