Ce ne sera pas tâche facile que de rendre compte de la version théâtrale de L’Idiot, adaptée du roman de Fiordor Dostoïevski par Étienne Lepage, mis en scène par Catherine Vidal et actuellement présenté au Théâtre du Nouveau Monde. C’est que dans cette proposition de 2h20 pour le moins audacieuse et originale, le spectateur se perd totalement. Entre tragédie, bouffonnerie, caricature et absurdité, on ne sait plus comment recevoir la proposition, ni quel sens lui donner. S’agit-il d’humour absurde? De véritable tragédie? De caricature extravagante? De leçon moralisatrice? La confusion règne et si le but était de nous désarçonner, il est atteint.
Alors que le texte de Lepage est facile à assimiler (trop?), le décor rudimentaire et la mise en scène somme toute simple et épurée, on ressent pourtant un trop plein qui nous fait décrocher: trop de couleurs, trop de bijoux qui font du boucan, trop de paillettes, trop de tapis rose bonbon, puis jaune canari, trop de ballons, trop de caricatures, trop de « pétages de coches » agaçants des personnages, trop de cris, trop de thèmes effleurés dans un pot-pourri étourdissant, sans profondeur ; trop d’éléments rompant le fil du récit et des émotions.
Alors que le texte de Lepage est facile à assimiler (trop?), le décor rudimentaire et la mise en scène somme toute simple et épurée, on ressent pourtant un trop plein qui nous fait décrocher: trop de couleurs, trop de bijoux qui font du boucan, trop de paillettes, trop de tapis rose bonbon, puis jaune canari, trop de ballons, trop de caricatures, trop de « pétages de coches » agaçants des personnages, trop de cris, trop de thèmes effleurés dans un pot-pourri étourdissant, sans profondeur ; trop d’éléments rompant le fil du récit et des émotions.
Bien que cette œuvre phare de la littérature s’intéresse à des thèmes essentiels sur la vie et l’humanité, tels que le bien, le mal, l’espoir, le pardon, l’opportunisme, le matérialisme, le côté sombre et le côté lumineux de chacun et qu’elle raconte des amours tragiques, fous, passionnels et déchus, la création de Lepage et Vidal finit par nous agacer plus qu’elle ne nous fait réfléchir ou ne nous émeut. Alors que l’on aspirait à une solide dose d’intériorité, de philosophie, de réflexion, de profondeur et d’émotion, le spectateur se heurte sur la forme proposée et passe complètement à côté de l’histoire, de sa mission philosophique et de ce qu’elle révèle. Comme si les créateurs, en voulant tout couvrir dans la crainte d’oublier quelque chose d’important, passaient ainsi à côté de l’essentiel. Les thèmes cruciaux sont abordés, mais seulement effleurés, et toute la profondeur est laissée à la charge du public. À nous de laisser la proposition mûrir et s’élever. Si possible.
Crédit photo: Yves Renaud – TNM
L’argument
Alors que le jeune et candide Prince Mychkine (l’excellent Renaud Lacelle-Bourdon) revient en Russie après plusieurs années et qu’il souhaite tout bonnement « faire la connaissance » d’une lointaine cousine (Lizaveta Épanchin, talentueuse Macha Limonchik) en se rendant chez elle à l’improviste, il se retrouve au cœur d’une saga entourant le mariage de la sublime et ténébreuse Nastassia Filippovna (magnifique Evelyne Brochu). Qui du mercantile Gania Ivolgine (Simon Lavoie), de l’impulsif Parfione Rogojine (Francis Ducharme), de l’intéressé Général Ivan Épanchine (Frédéric Blanchette) ou du repentant Totski (Henri Chassé), parviendra à remporter la manche, à quel prix et au détriment de qui? Le Prince lui-même, dans toute sa bonté et sa naïveté, réussira-t-il à sortir indemne de cette succession de passions destructrices qui l’entourent et l’habitent lui-même ? Qui des pulsions sexuelles, amoureuses, amicales, monétaires, de la raison ou du cœur prendront le dessus? Tant de préoccupations du romancier au moment d’écrire L’Idiot, en 1868, mais dont on ne ressent ici que la surface.
Crédit photo: Yves Renaud – TNM
«Toi, tu, Prince Mychkine», chemise hawaïenne et musique d’ascenseur!
Alors que les personnages du roman de l’auteur russe prennent place dans la société bourgeoise du Saint-Pétersbourg huppé du 19e siècle, pourquoi avoir opté pour cette langue québécoise d’aujourd’hui, à grands coups de tutoiement ? Déjà le décalage est présent avec les noms russes des personnages, il l’est encore plus quand ceux-ci s’interpellent en se tutoyant en québécois. D’autant, pourquoi alors leur avoir fait porter des costumes rappelant le 19e, mais aux allures bouffonnes et clownesques, tout droit sortis du Village des Valeurs, rendant leur jeu embarrassant et encore plus décousu avec la langue? Pourquoi avoir vêtu le Prince d’un short, d’une chemise hawaïenne et d’un blouson de cuir? Heureusement, cette distribution de haut niveau (mentions spéciales à Henri Chassé et Macha Limonchik) parvient à faire tenir dans un équilibre précaire l’ensemble de la proposition, (soulignons au passage la grande crédibilité de Renaud Lacelle-Bourdon qui porte la pièce du début à la fin), malgré ces incongruités contraignantes. Expliquez-nous aussi cet anniversaire interminable aux allures de bal masqué, pendant lequel retentit une musique d’ascenseur sur laquelle se trémoussent les acteurs en une ribambelle grotesque? On comprend la caricature, mais en quoi sert-elle véritablement le récit? Notons que les interpellations des personnages au public dans la salle,
« faisant éclater le quatrième mur afin de de créer une libre circulation des idées » s’avèrent intéressantes en théorie. Dans les faits, elles exaspèrent par leurs caractères tantôt moralisateurs, tantôt inopportuns et inattendus, rompant une fois de plus la bulle du récit. Celui qui semble incarner la conscience qui se meurt peu à peu (Hyppolyte, David Strasbourg), finit de nous agacer par son ton de fond de ruelle et son attitude arrogante (les tatouages et crachats écœurants ajoutent-ils vraiment au personnage?). Ses multiples interventions suffisantes et dérangeantes brisent chaque fois le rythme de la pièce, au lieu d’atteindre le cœur du spectateur et de le remettre en question. Le miroir des consciences ne bouleverse pas sa cible.
« faisant éclater le quatrième mur afin de de créer une libre circulation des idées » s’avèrent intéressantes en théorie. Dans les faits, elles exaspèrent par leurs caractères tantôt moralisateurs, tantôt inopportuns et inattendus, rompant une fois de plus la bulle du récit. Celui qui semble incarner la conscience qui se meurt peu à peu (Hyppolyte, David Strasbourg), finit de nous agacer par son ton de fond de ruelle et son attitude arrogante (les tatouages et crachats écœurants ajoutent-ils vraiment au personnage?). Ses multiples interventions suffisantes et dérangeantes brisent chaque fois le rythme de la pièce, au lieu d’atteindre le cœur du spectateur et de le remettre en question. Le miroir des consciences ne bouleverse pas sa cible.
Crédit photo: Yves Renaud – TNM
Nous encourageons et saluons les propositions nouvelles et innovatrices, le théâtre de création est nécessaire et il est intéressant de constater que le TNM ouvre de plus en plus la porte à de telles initiatives, mais encore faut-il que ces adaptations servent les œuvres. Malheureusement, on a le sentiment que l’essentiel s’est perdu en chemin…
C’est à se demander qui est l’idiot finalement ?
L'Idiot
Théâtre du Nouveau Monde
Jusqu'au 18 avril 2018
C’est à se demander qui est l’idiot finalement ?
L'Idiot
Théâtre du Nouveau Monde
Jusqu'au 18 avril 2018