L’excitation était grande et palpable, lors de notre arrivée au théâtre. Dans le hall d’entrée, le grand mur où s’inscrivait auparavant, pendant trois saisons, le palimpseste (manuscrit sur parchemin dont la première écriture a été lavée ou grattée et sur lequel un nouveau texte a été écrit) créé par Evelyne de la Chenelière, était remplacé par des lattes de bois illuminées et sobres. C’est que le théâtre Espace Go s’est refait une beauté ces derniers mois. Les matériaux calligraphiés, collés, dessinés, sources de l’écriture de l’auteure depuis le début de son travail, allaient être repris dans la pièce de théâtre et servir de matériau brute à la mise en scène.
La joie de voir cette représentation était intense. Nous aimons d’amour Evelyne de la Chenelière, ses textes, son talent d’actrice, son regard sur la vie et la femme qui s’en dégage.
Nous entrons dans la salle du théâtre où les odeurs de peinture fraîche et des nouveaux matériaux sont encore présentes. Un décor représentant une serre rectangulaire où foisonnent végétaux, minéraux, plantes géantes contre laquelle est appuyée une longue échelle nous invite dans un univers clos, envahissant, voire peu rassurant.
LUMIÈRE!
La jeune femme, Jeanne, fait son apparition, vêtue simplement, d’un chemisier blanc et d’un jeans.
LUMINEUSE! Fabuleuse Evelyne de la Chenelière, qui porte en elle ses mots et qui les partage au public avec tant de sensibilité, d’authenticité et de talent. Elle nous saisie d’emblée.
Puis, celle-ci nous confie son secret: tenter de négocier un sursis avec la Mort, la grande Faucheuse.
Texte d’introduction éblouissant! Invitation vibrante, émouvante, grandiloquente à pénétrer dans la forêt de sa mémoire où ses parents et l’iconique Jeanne d’Arc à laquelle elle s’identifie, l’accompagneront dans ce moment ultime qui précède la mort où les souvenirs se fondent aux enseignements religieux et scolaire reçus, depuis son enfance.
La mère, (excellente Christine Beaulieu), obsessive et dominatrice, affublée d’une voix robotisée, (Pourquoi? La voix devient si agaçante qu’on perd malheureusement les propos de l’actrice) reprend constamment sa fille, l’infantilise. Le père (convaincant Jules Roy Sicotte), homosexuel idolâtrant Jeanne d’Arc, subit l’autorité de la mère. Ces deux personnages forment un couple rampant dans cette forêt sombre où les mots jaillissent, tels des geysers, s’expulsant, comme dans un delirium tremens.
Cette dramaturgie s’inscrit dans une mise en scène qui n’est pas loin de rappeler les créations collectives des années 70 où chorégraphies et écritures étaient intimement reliées. C’était une autre époque. Pourquoi ? Nous croyions avoir dépassé ce genre de spectacle. L’écriture admirable de Evelyne de la Chenelière s’y perd. À trop vouloir faire éclater le langage et les multiples projections lumineuses et vidéo, on en retient rien. Sa fragmentation s’étiole en myriades de non-sens. Le spectateur se sent inutile. Pourquoi y assister ? Il aurait mieux valu l’incarner dans une sobriété accessible et utile et mettre toute la lumière sur la principale protagoniste.
Applaudissements discrets !
Peinés, nous quittons le théâtre, sans dire un mot.