Une expérience au restaurant peut-elle être parfaite? En tout cas, si cela est possible, elle doit probablement avoir lieu sur la rue Ontario Est, dans un quartier absolument improbable pour ouvrir un établissement de restauration haut-de-gamme. Ce n’est pas compliqué, le Mousso est le restaurant de l’heure montréalais depuis son ouverture en 2015! Il a tout chamboulé sur son passage : les règles de la restauration traditionnelle, les a priori des professionnels, les craintes du public et les palais exigeants des critiques.
Le brillant Antonin Mousseau-Rivard, qui avait auparavant évolué dans l’ombre du Musée d’art contemporain, a eu une audace incroyable en montant un concept mariant une cuisine contemporaine spectaculaire, un seul et unique menu de dégustation, un service de qualité et une ambiance informelle.
Prix du Meilleur restaurant de l'année 2018, au Gala des Lauriers de la gastronomie québécoise
Crédit photo Sophie Ginoux
Après avoir raflé tous les trophées possibles, dont celui du Grand de demain du Gault et Millau en 2016 et, tout récemment, celui de Restaurant de l’année 2018 au premier Gala des Lauriers de la gastronomie québécoise, le chef propriétaire, connu pour son amour de l’art, du rap et de l’anticonformisme, a encore décidé de repousser ses limites en achetant le local voisin de son restaurant. Le Mousso 2.0, avec une cuisine à aire ouverte permettant aux clients de voir les créations se dresser sous leurs yeux, mais aussi aux cuisiniers de servir eux-mêmes en salle ce qu’ils viennent de produire, est un pas de plus dans la proximité sans artifices voulue par Antonin, ainsi que dans la compréhension de ce que la créativité, la vraie, revêt en cuisine.
Crédit photo Sophie Ginoux
Crédit photo Sophie Ginoux
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Ce qui n’empêche pas les visiteurs, à présent, de se rendre dans le Mousso original juste à côté, rebaptisé Petit Mousso, pour y savourer des plats à la carte qui donnent l’occasion de vivre l’expérience de ce restaurant décoiffant sans la contrainte du 8 ou du 10 services. Et entre nous, j’avoue avoir personnellement un faible pour les cuisines de ce Mousso original, au pied des escaliers, qui sont vibrantes, joyeusement cacophoniques et débordantes de tests réalisés par le chef… qui assume d’ailleurs pleinement sa passion pour les fermentations et les mariages très étonnants de prime abord.
Crédit photo Sophie Ginoux
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On pourrait consacrer un article entier à la vision avant-gardiste du chef, basée sur une connaissance impressionnante des produits et sur une quête aussi démesurée du bon et du beau. Mais nous sommes avant tout venus cette fois-ci pour revivre l’expérience Mousso et pour savoir si oui, Antonin Mousseau-Rivard nous épaterait de nouveau. Après tout, notre première visite, peu après son ouverture, avait fait partie de nos plus précieux souvenirs de l’année 2015.
C’est donc avec un groupe d’amis que je me suis présentée un soir de semaine sur place, très excitée à l’idée de découvrir le nouvel espace et la formule enrichie du restaurant. L’entrée, donnant à présent sur un petit salon se situant entre les deux anciens établissements, permet de faire son choix. À gauche, on se rend au Petit Mousso pour une dégustation à la carte, et à droite, on se lance dans un repas à l’aveugle de 8 à 10 services.
Évidemment, nous optons pour la droite. Le nouveau local, situé sur un seul palier, est fidèle à l’image du précédent. Moderne, épuré, racé avec des petites touches de couleur artistiques, dont un superbe vitrail rétroéclairé. Sur table, on retrouve la même ligne graphique, avec un verre travaillé et un menu du jour. Mais quel menu! Il n’y a aucun détail dessus, mais les intitulés de type lotte+moelle+vin ou homard+garum+oxalis sont déjà très intrigants. Parfait, le voyage des papilles peut commencer.
Puisque les accords mets et vins, qui sont directement conseillés par la sommelière plutôt qu’affichés sur une carte, valent aussi le déplacement, nous commençons avec un cocktail maison. Constitué de fleur d’IPA, de Lilet, de Kinoto, de jus de sureau, de blanc d’œuf, de jus de citron, de sirop simple, de thym et de pétales de rose, ce dernier est absolument divin, à la fois aromatique, légèrement mousseux et bien balancé. Chouette.
Le premier service arrive peu après… sous la forme de barbe à papa! Nous comprenons rapidement pourquoi on nous recommande de la consommer en une bouchée. En fait, la boule aérienne de sucre de betterave, saupoudrée de poudre de fraise, en cache une autre de foie gras fondant. Oh, là, là. C’est amusant et diablement gourmand.
Un trio de bouchées à base de crevettes/espelette, thon/rutabaga/gingembre et oursin/tagètes (ma préférée à déguster en dernier, je pense) suit. Nouvelle surprise, nouvelle explosion de saveurs en bouche. Et de l’élégance partout, comme si on redécouvrait ces produits sous un nouveau jour. Génial.
Crédit photo Sophie Ginoux
Décrire chacun des neuf services suivants, qui ont suscité des Wow! et des Mmm! bien sentis parmi tous les membres de notre groupe, pourrait prendre des heures. Je vais donc m’arrêter à ceux qui m’ont fait fermer les yeux de bonheur et ou frissonner l’échine. À commencer par cet intrigant porridge de sarrasin, marié avec des huitres, de l’huile d’algues, du persil, de la livèche séchée, du céleri chinois et du sarrasin croquant. Un grand moment de dégustation, sincèrement, et le sentiment d’avoir atteint l’umami, ce cinquième sens de la saveur que l’on atteint rarement.
Je dois aussi saluer le service de gluten/pommes de terre/foin servi avec un plat de volaille. En fait, il s’agit d’un pain maison fermenté aux pommes de terre, dans la recette duquel le chef a ajouté du foin pour lui donner une texture incomparable. Je ne peux pas non plus passer sous silence ces délicates asperges vertes sauvages (les toutes premières de l’année, cueillies le matin-même) reposant sur du crabe des neiges de Rimouski, un fudge de jaune d’œuf au miso maison, ainsi que des touches d’oignons brûlé et d’ail des bois. Craquant, fondant, aromatique, frais. Du bonheur mangeable.
Je dois également adresser une mention spéciale au plus beau dressage selon moi de la soirée, à savoir une petite rose de daikon renfermant un pétoncle cuit à la torche et une petite sauce XO réalisée avec du porc, des crevettes, de l’ail noir, du gingembre et du soya blond maison. Un véritable œuvre d’art miniature, pour les yeux comme pour les papilles.
Crédit photo Sophie Ginoux
Terminer une telle expérience sans dessert est impossible. Dans le menu dégustation du jour, Antonin Mousseau-Rivard en a d’ailleurs prévu deux. La crème glacée au babeurre, que je connaissais déjà, est toujours exquise, mais l’assiette de granité de kombucha de concombre, crémeux au chocolat blanc, fleur de concombre et oseille remporte la palme des desserts les plus originaux et savoureux que j’aie jamais dégustés. Une incroyable finale!
C’est finalement à une heure du matin, après cinq heures de pure jouissance gustative, que notre groupe est sorti du Mousso ce soir-là. Avec la tête et le cœur emplis de reconnaissance, et le sentiment que nous avions sans doute fait la meilleure table de Montréal, si ce n’est du Québec. Il faut au moins vivre une fois l’expérience complète de ce restaurant pour comprendre toute la joie qu’il peut nous apporter en tant que clients, mais aussi toute la passion qu’Antonin Mousseau-Rivard exprime dans sa cuisine. Et se dire que oui, la perfection, si tant est qu’elle existe, n’est pas loin. Chapeau bas, chef !
Mousso
1023, Ontario Est, Montréal
(438) 384-7410
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