Aller au contenu
La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé: La vérité enfin dévoilée

Comment réagir lorsqu’on apprend la vérité? Doit-on inévitablement pardonner? Peut-on se permettre de ne pas vouloir l’accepter? Y a-t-il de bonnes raisons pour mentir? C’est ce que Michel Marc Bouchard, dramaturge incontournable de notre théâtre québécois, aborde dans cette création, en collaborant pour une huitième fois avec Serge Denoncourt, en charge de mettre en scène cette nouvelle pièce.
 
Enfant, Mireille Larouche adorait entrer par effraction dans les maisons de son voisinage afin d’observer les gens dormir. Son intrusion favorite : la chambre de Laurier Gaudreault. Le regarder, plongé dans son sommeil, éveillait en elle certains fantasmes et un plaisir enivrant. Ce petit jeu interdit auquel elle se livrait prit fin abruptement la nuit où le jeune homme se réveilla.
 
Trente ans après ce mystérieux évènement, nous retrouvons Mireille (Julie Le Breton), maintenant devenue thanatologue de renommée internationale, de retour dans son Lac-Saint-Jean natal afin d’y pratiquer son métier sur sa propre mère. C’est d’abord Éliot (Mathieu Richard), son plus jeune frère, qui la rejoindra dans la salle d’embaumement, puis Julien (Patrick Hivon), son frère aîné, accompagné de Chantale (Magalie Lépine-Blondeau), sa conjointe. Plus tard, Denis Larouche (Éric Bruneau), le cadet, se joindra également au malaise palpable que vit la famille rassemblée autour du cadavre dénudé de leur mère et côtoyant à nouveau leur sœur après plus de dix ans d’absence de sa part.
 
C’est suite à des moments de brouhaha familial autour de Mireille, pratiquement silencieuse, effectuant méticuleusement son travail, que la troublante vérité est dévoilée. Tout le monde apprend alors ce qui s’est véritablement passé la nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé.
 
Pour l’écriture de ce nouveau texte, Michel-Marc Bouchard reste fidèle aux thématiques qui l’ont également obsédé pour ses anciennes créations. Vérité, pardon, quête d’identité et crainte du jugement sont au cœur de cette œuvre qui nous fascine et nous trouble. Les choix de mise en scène de Serge Denoncourt, bien qu’assez simples, se sont avérés efficaces et ont brillamment reflété le sentiment angoissant qui émane de l’histoire. On nous a offert quelques moments imagés, mais il faut plutôt s’attendre à une mise en scène réaliste, qui ne laisse pas une grande place à une interprétation plus personnelle.
 
C’est la même chose pour la scénographie, qui bien que magnifiquement réalisée, représente très réalistement le lieu dans lequel se trouve les protagonistes pour la quasi totalité de la pièce. Le décor (par Guillaume Lord), les costumes (par Mérédith Caron), les éclairages (par Martin Labrecque), les accessoires (par Julie Measroch), ainsi que les maquillages et coiffures (par Amélie Bruneau-Longpré) suivent également cette idée de réalisme, ajoutant une couche de vraisemblable et de froideur, visiblement ligne directrice de l’équipe de création. Une touche plus poétique est amenée à certains moments avec l’ambiance sonore créée par Colin Gagné. En plus de participer à l’atmosphère obscure de la pièce, elle pouvait également être interprétée différemment d’un spectateur à l’autre.
 
Bien que tous les acteurs de la pièce ont livré de très bonnes performances, j’ai particulièrement été séduite par le jeu de Julie Le Breton, tout en complexité et en intériorité, ainsi que par celui de Magalie Lépine-Blondeau, qui dévoilait un talent comique incroyable.
 
Malgré le savant mélange de drame et d’humour, quelques éléments de scénographie très impressionnants, les choix de mise en scène tout à fait justes et le jeu impeccable des acteurs, La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé n’a pas réussi à me renverser. Les thématiques pourtant poignantes que le texte aborde nous ont été livrées cru dans le bec, sans pousser le spectateur à réfléchir et à se questionner. La pièce m’a tenue en haleine pendant près de deux heures, puis m’a soudainement laissée indifférente à la seconde où elle s’est terminée. Je serais portée à croire que si le spectateur avait été un peu plus libre d’interprétation face aux enjeux qu’on lui proposait, le tout aurait été beaucoup plus saisissant.
 
La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé
Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 8 juin 2019
Supplémentaires les 9 et 11 juin!
Avec Julie Le Breton, Magalie Lépine-Blondeau, Éric Bruneau, Patrick Hivon, Mathieu Richard et Kim Despatis

Plus de contenu