Il y a des fois où je suis en manque de belles faces. Est-ce que c’est OK de dire ça ou j’objectifie le corps de pauvres gens vulnérables?
À défaut d’être normal ou socialement acceptable, ça reste vrai: parfois, j’ai juste envie de voir une belle face. Une face de jolie fille qui m’adresse quelques mots avec deux-trois sourires en bonus. Les danseuses, c’est un peu too much. Les amies, ça implique des démarches et du jasage. Les barmaids, c’est juste parfait.
Si le sexe est une drogue, les barmaids sont des patchs. Des petites bornes de bonheur soigneusement réparties un peu partout dans la ville. Et en plus, elles servent de l’alcool! Je ne sais pas si les filles trouvent un équivalent chez leurs collègues barmans (barmen?). Sûrement que c’est le cas pour quelques Ginettes. Tant qu’il y a un prétexte, ça abaisse le taux de creepytude.
Fille qui s’assume semi : «Moi, je me suis juste abonnée à un cours de spinning. C’est pas de ma faute si ça ADONNE qu’il est donné par un bel Espagnol suave et luisant.»
(Hen hen. Full crédible, bébé.)
À chacun sa soft porn. Au pire, les filles ont toujours True Blood… et les gars ont les barmaids.
(En attendant le printemps où c’est bar open de belles gens sans grands vêtements.)
J’essaie quand même de comprendre pourquoi je trouve mon comportement acceptable. L’ambiance de bar doit me dédouaner. Je ne vais pas m’asseoir deux heures avec une revue pour mater une clerk de Renaud-Bray. Ça passerait moyen. (Surtout avec un drink.) Je ne vais pas non plus dévisager la fille au Subway à travers sa vitre courbée pendant qu’elle remplit mon 12 pouces de condiments. (Juste avec ma phrase, je m’écoeure.)
Peut-être que sans le savoir, je suis l’équivalent du gars louche dans le métro qui est tout content d’être collé quand le wagon est trop bondé. Tant que son bonheur ne paraît pas trop dans sa face (et contre ma cuisse) et qu’il ne zigne personne, on laisse aller.
Ou peut-être que je sais simplement respecter les règles non écrites d’un deal sous-jacent qui demeure complètement dans le non-dit. (Sauf après cette chronique.)
Le deal (top secret) étant :
– J’achète de l’alcool.
– Je tipe beaucoup trop.
– Je te mate un peu pendant que tu marches ou que tu coupes des agrumes.
– Je ne t’attends pas à la fin de ton shift en psychopathe.
Parce que je ne suis pas vraiment là pour m’essayer. Je suis là pour fantasmer sur l’idée de peut-être un jour m’essayer. Scorer une bombe barmaid, c’est l’ultime fantasme. (Si on exclut scorer DEUX barmaids!) Pour un gars comme moi, ça frôle l’impossibilité. J’ai déjà de la misère avec les clientes, donc la hawt serveuse en showcase que tout le monde remarque dès son entrée…
Mais je l’aime cette impossibilité-là. Ça enlève de la pression. Et pour une raison que je m’explique mal, le sourire d’une belle fille impossible, ça me boost. Même si le setup est un peu faux.
En fait, c’est comme dans la porn. Le setup est artificiel et la fille est loin d’être là comme bénévole ou par élan d’altruisme, mais on peut quand même distinguer la fille avec le sourire sincère de celle au sourire «paye-moi et fuck off!» En tout cas, j’aime croire que je sais faire la différence.
Dans une chronique précédente où je parlais d’un service au Japon qui permet de se coller contre une Japonaise (non, pas une moto) le temps d’une sieste, une fille commentait que c’est triste d’aller chercher de l’affection comme ça. Ben oui, c’est triste. C’est triste, mais ça arrive. À part quelques privilégiés, on a rarement accès à toutes les belles faces qu’on aimerait se taper. C’est plate, souvent pathétique et indéniablement triste. Mais ça se prend mieux avec une pinte, quelques bretzels et une belle face.