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Ariane Thézé: la cyberchirurgie au service de l’art et du corps

Ariane Thézé a toujours fait de son corps un lieu d’exploration, de questionnement, un immense terrain de jeu quoi. Comme preuve à conviction, il y a ce livre, Le corps à l’écran, un essai publié en 2005. Le corps, particulièrement le sien, Thézé le photographie, le filme, le dessine, le fragmente et le réinvente depuis déjà une vingtaine d’années. Avec Remake-up présenté cet été à la Galerie SAS, elle injecte une nouvelle dimension, une bonne dose de fiction à ses nouvelles œuvres. «C’est un travail beaucoup plus sociologique que mes séries antérieures, qui étaient plus métaphysiques. Ici, je voulais détourner la pratique du portrait pour aller chercher la nature fictionnelle d’une image photo. C’est dans l’air du temps. On parle beaucoup de clonage, de robots à notre image. Je crois que dans les années à venir, la science va nous proposer des manipulations qui vont complètement changer notre perception de l’identité.»

Le résultat est surprenant. Des portraits entre le réel et l’irréel présentent des femmes inventées qui cachent toujours comme modèle l’artiste. Un méticuleux travail de retouche procure aux photographies une illusion de corps de plastique et de cire, tels des mannequins dans les vitrines des magasins. Pour une seule photographie retenue, une centaine a été rejetée, mise de côté, des mois de réflexion et de manipulation ont été (non) comptabilisés. Le titre de la série de clichés souligne cette confusion. «Remake-up est un mot que j’ai inventé. C’est un mélange de remake, un mot au cinéma qui signale que l’on refait à partir d’un point de départ, et de make-up, comme un clin d’œil au maquillage, à cette transformation non permanente.»  

La chirurgie virtuelle de Thézé fait également écho à celle des vedettes qui sortent de sous le bistouri comme des poupées défigurées, méconnaissables. «Le body art existe depuis longtemps. Chez eux, c’est sans retour, c’est une atteinte directe à leur propre corps. Alors que moi, c’est virtuel, c’est fictif. Et ça permet une plus grande liberté.» La fabricante de personnages nous livre des femmes qui inspirent une histoire, un dialogue avec soi. Avec sa perruque blanche, les lèvres et les ongles noirs, pendentif au cou, la dame du carton d’invitation a tout de la femme gothique. Mais Ariane Thézé a justement esquivé le jeu des étiquettes. «Les portraits ont des numéros pour éviter de figer notre regard. Car ce que je cherche, c’est de questionner nos identités.»

Du 2 juin au 7 août
Galerie SAS
372, Ste-Catherine Ouest, suite 416 | galeriesas.com

 

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