En empoignant le ukulélé pour s’accompagner dans ses nouvelles chansons, en 2005, Krista Muir, qu’on connaissait jadis sous la perruque blonde de Lederhosen Lucil, n’a pas juste choisi un nouvel instrument. Elle a choisi un mode de vie.
Celle qui, en tant que Lederhosen Lucil, a fait l’étalement des ses talents de virtuose du synthé est carrément devenue, depuis, la porte-parole de la scène ukulélé à Montréal. Car oui, il y a une scène ukulélé à Montréal, comme partout dans le monde, d’ailleurs. C’est ce mouvement bien particulier que Muir et ses invités de l’événement UkePop mettront au jour, le 6 juin.
Inspiré des cabarets Soiro Bizarro, qu’elle organisait du temps de Lederhosen Lucil, puis d’une soirée semblable, nommée Ukulele Bizarro, organisée l’an dernier, UkePop est un événement de plus grande envergure qui présentera, outre des prestations d’artistes jouant du «uke» (prononcer «youké»), un jam-session collectif, «Uke Hero», auquel le public est convié à participer, ainsi qu’un documentaire sur la scène ukulélé mondiale.
Krista a bien voulu nous parler un peu plus de ce petit instrument d’origine hawaïenne, descendant du cavaquinho portugais, et de l’engouement qu’il suscite chez les artistes comme le public.
Un film sur la scène «uke», un jam-session, un concert de représentants de la scène «uke» locale… Il semble y avoir beaucoup de choses à dire sur ce si petit instrument.
Krista Muir: Je sais! Depuis un moment, le ukulélé fait l’objet d’un assez gros culte, une résurgence de popularité dans d’autres parties du monde. Ça a été lent à se rendre à Montréal, mais finalement, ça semble nous avoir rattrapés. Il est temps d’avoir notre propre célébration du «uke»! L’instrument était très populaire au Canada, dans les années 70. Notamment dans les écoles, où il était très utilisé pour enseigner la musique. Ma grande sœur a grandi en apprenant le «uke», à Halifax. Il y avait un gros mouvement, là, notamment à cause de ce type, J. Chalmers Doane, qui a écrit des livres de ukulélé pour les professeurs, qui étaient distribués à travers le pays. Ses livres viennent tout juste d’être réédités, cette année, donc c’est une grosse année pour le ukulélé!
Quant à moi, j’ai commencé à l’enseigner il y a quelques mois et c’est très amusant. Ce sont surtout des gens dans la vingtaine et dans la trentaine qui viennent aux cours, mais ils s’adressent aux gens de tous les âges.
Comment as-tu adopté le ukulélé?
KM: J’étais en tournée, en 2005, et j’avais ce ukulélé très cheap dans mon sac. J’ai commencé à en jouer pour faire mes nouvelles chansons. Quand je suis revenue, pour enregistrer un nouveau disque, je me suis rendue compte que ce que j’avais préparé un album de ukulélé, et non un disque d’électro-pop. Puis, j’ai découvert des ukulélés de plus en plus intéressants à jouer.
Tu as adopté l’instrument pour des raisons pratiques ou musicales?
KM: Un peu des deux. Pour moi, c’était l’instrument parfait en terme de mobilité, mais je me suis rendue compte qu’on pouvait aussi faire beaucoup avec ce si petit instrument. Ça ressemble à un jouet, mais il y a aussi des virtuoses qui s’en servent. C’est très intéressant. Les adeptes vont des enfants de cinq ans aux musiciens classiques et jazz. Certains ukulélés sont faits de bois rares, donc tu peux aller chercher des tonalités très intéressantes, dépendant de l’instrument.
Qu’est-ce qui le rend spécial? Le son, la façon dont il est accordé?
KM: Le ukulélé baryton est accordé comme les quatre premières cordes d’une guitare, donc la façon d’en jouer est similaire et le son est semblable. C’est celui que je préfère, personnellement. Mais il y a aussi le ukulélé ténor et le soprano. Ce sont comme des personnages différents, ils ont tous leur personnalité propre. Avec ça, tu peux jouer des trucs farfelus et kitsch, mais tu peux aussi jouer de la musique plus sérieuse. On dit que c’est difficile de jouer du ukulélé sans être joyeux. C’est un instrument très amusant et moins intimidant que la guitare, par exemple, ne serait-ce qu’à cause de sa taille. Plusieurs personnes y sont attirées à cause de ça.
Comment en es-tu venue à l’enseigner?
KM: Des gens se sont mis à m’approcher, soit parce qu’ils avaient reçu un ukulélé en cadeau ou parce qu’ils souhaitaient apprendre d’un instrument, mais se sentaient nerveux par rapport à ça. C’est alors que je leur suggérais le ukulélé. Puis, il y a un moment, j’ai participé à l’événement Kids Pop (NDLR: que Pop Montréal organise pour les enfants), où j’ai donné un atelier. J’ai trouvé drôle de constater qu’il y avait des parents qui étaient plus excités par l’instrument que les enfants.
Est-ce que c’est un instrument compliqué à apprendre?
KM: Non! Tu peux apprendre une chanson en une demi-heure! C’est pour ça qu’il est pratique pour enseigner la musique. Les gens peuvent démarrer très vite et s’en trouvent en retour plus motivés. C’est un instrument vraiment amusant et gratifiant à apprendre.
Est-ce cher?
KM: Non! Ça va de 30$ pour les modèles bon marché, jusqu’à quelques milliers de dollars. Le plus cher que j’ai trouvé était à National, Tennessee – c’était le premier ukulélé baryton fait aux États-Unis; il était 10 000$! En moyenne, un bon coûte environ 200$. Et encore, ça dépend vraiment. J’en ai vu un à 100$ qui sonnait mieux qu’un autre à 1000$. Il y en a tellement de sortes différentes!
Comment ceux qui voudraient suivre tes cours peuvent-ils s’informer ou entrer en contact avec toi?
KM: Ils peuvent me contacter via mon courriel personnel, ou ma page Facebook… Je suis facile à trouver!
Parle-moi de UkePop…
KM: L’an dernier, j’ai fait le Ukulele Bizarro, qui était comme un cabaret, au Il Motore. Je me suis associée avec Pop Montréal pour étendre le festival, cette année. J’ai programmé sept artistes de ukulélé, puis j’ai ajouté une projection du documentaire The Mighty Uke, sur lequel je suis tombée par hasard, par l’entremise d’un ami. J’ai contacté les producteurs, et le hasard a voulu qu’ils soient en ce moment en tournée sur la côte est des États-Unis pour présenter le film. Ils ont donc ajouté un arrêt de plus pour venir présenter leur film à UkePop! Le film est fait par un couple de Toronto, qui a voyagé à travers le monde et rencontré plein d’adeptes du ukulélé au Japon, en Australie, à travers les États-Unis… Ils présentent le film et répondent aux questions après.
Avant ça, j’organise un petit jam de ukulélé, appelé «Uke Hero». Les gens peuvent apporter leur ukulélé et, pendant une heure, on va apprendre des chansons. Ça n’est pas vraiment un cours, ça s’adresse plutôt aux gens qui connaissent déjà quelques accords, quoique ceux qui n’en connaissent pas sont les bienvenus, eux aussi! On va faire des covers amusants, mais aussi quelques-unes de mes chansons à moi, puisque j’en ai plusieurs qui sont très simples à apprendre.
Comment as-tu trouvé les autres artistes ukulélé de Montréal?
KM: Les premiers, le Ukulele Club de Montréal, viennent tout juste de commencer il y a quelques mois. Je les ai trouvés par hasard, en lisant des blogues. Ça m’a intéressé, je les ai contactés par courriel et ils ont accepté de venir. Ils sont de huit à dix musiciens qui jouent des covers au ukulélé. J’ai rencontré NIVE au Texas, au festival South by Southwest, il y a deux ans. Elle a vécu à Montréal et ailleurs, mais elle vient du Groenland, originalement. Je connais Beaver depuis un moment pour l’avoir souvent croisé en ville, mais je ne l’avais jamais vu jouer… J’ai pensé que ça serait une bonne idée pour le festival. J’ai rencontré MEB en ligne, via MySpace, en fait. Nous sommes devenues amies. Elle a joué a Ukulélé Bizarro, l’an dernier, et je la trouve charmante, donc j’ai pensé qu’elle devrait venir jouer à nouveau.
Quant à Erin Lang, elle était en contact avec moi depuis un moment, en ligne, via les communautés ukulélé. Elle vivait alors à Londres, en Angleterre. Je lui ai mentionné le festival; elle voulait venir jouer l’an dernier, mais je n’avais plus de place, donc on se reprend cette année. Je voulais que Caracol vienne aussi, mais elle vient d’avoir un bébé. Puis, il y a Miss Dynamite, qui est l’alias d’Amy des Mongrels. Elle chante et joue avec Andrew (Dickson, de Tricky Woo), son partenaire, qui «shred» au ukulélé électrique. Je pense qu’ils font une prestation de ukulélé métal, ou quelque chose du genre (rires).
Puis, enfin, je vais jouer avec mon nouveau groupe d’accompagnement, The Enhancers. Il est composé de deux musiciens que j’ai rencontrés récemment. Ils jouent dans d’autres formations, aussi. C’est un groupe secret! On fera quelques nouvelles chansons que j’ai composées récemment, puis un hommage à Electric Light Orchestra!
Il semble y avoir un attachement particulier, chez les gens qui jouent du ukulélé, pour leur instrument. On ne trouve pas ça chez les gens qui jouent de la batterie, par exemple.
KM: Je parlais justement à James, du Ukulele Club de Montréal. Il a vécu à Vancouver et disait que la scène, là-bas, est impressionnante. Un jour, il est entré dans un café et est tombé sur 40 personnes de tous les âges qui étaient en train de jouer du ukulélé! Quand il est déménagé à Montréal, il a cherché la même chose, mais il a vu que la scène ici n’était pas aussi forte.
Cette attraction, je pense, vient du fait que c’est un instrument très accessible, mobile, et que c’est facile de se rassembler pour en jouer. Tu peux le trimballer à vélo. Et c’est un instrument joyeux. Je crois que c’est un peu tout ça qui attire les gens. Les gens de «uke» tendent à être un peu fantaisistes. Je crois que c’est pour ça qu’ils aiment se rassembler. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’ils sont marginaux, mais il y a là-dedans beaucoup de nerds, de non-musiciens, aussi. Je pense que c’est attrayant pour les gens qui aiment socialiser à travers leurs intérêts. C’est un peu comme Donjons et Dragons, j’imagine… Quoiqu’à Montréal, je trouve que c’est un peu plus difficile de trouver les gens. Je ne pense pas que les fans de «uke» sont aussi publics qu’ailleurs. Donc, UkePop est une bonne occasion de greffer de nouvelles personnes à la scène. C’est toujours positif, de rassembler les gens.
UkePop
6 juin | Fédération ukrainienne
5213, Hutchison
16h: Uke Hero
19h: projection du film Mighty Uke
21h: concert Ukulele Bizarro avec Beaver, NIVE, MEB, Erin Lang, Ukulele Club de Montréal, Miss Dynamite et Krista Muir & The Enhancers
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