L’anticonformisme, c’est bien. La générosité aussi. Jeudi soir à La Tulipe, Radio Radio a prouvé à nouveau qu’il n’avait aucun problème dans ces deux départements. Une heure et quart de musique, deux rappels, nombreux passages de chansons remaniés, badinage en masse avec l’assistance, place de choix aux plus vieux morceaux de Cliché Hot et même du EP Télé Télé («Brumes sous les streetlights») malgré l’emphase sur le matériel de Belmundo Regal… Et surtout: la présence constante de musiciens invités, laquelle donne à la musique du groupe un punch et une prestance en phase avec le look arboré par les membres, chacun en tenue de soirée. Clairement, le trio ne se contente pas de décliner ses rimes en bombant le torse, comme beaucoup de rappeurs.
Stéphane Bergeron, batteur de Karkwa, était la colonne vertébrale rythmique durant la première demie du concert. Assis derrière un kit hybride, augmenté de quelques unités électroniques, il reproduisait les beats d’Alexandre Bilodeau et de Gabriel Malenfant à la note près. Ainsi furent livrées les pièces plus élémentaires: «St-Petersbourg», «Jacuzzi» (toujours accueillies avec énormément d’enthousiasme, les pièces de Cliché Hot), «Tômtôm»…
Puis, en seconde partie, deux joueurs de cuivres, le guitariste Kim Ho (de Creature) et la chanteuse Whitney Lafleur ont aidé à exacerber les tendances disco de «Guess What?», «Dekshoo», «Cargué dans ma chaise» et autres «Kenny G Non-Stop». L’intensité a monté d’un cran sur scène comme dans la salle.
Cela dit, mon moment préféré du concert a été cette nouvelle chanson non idenfitiée servie en rappel. Elle aurait été composée en Louisiane, où le groupe a déjà enregistré son prochain album, a-t-on annoncé sur scène. Durant cette dernière, Alexandre Bilodeau a pris la machine à rythme pour pondre un beat live. Les vrais musiciens, c’est chouette, vivant et tout, mais l’urgence du hip-hop n’est jamais aussi bien servie que par un beatbox ou une table tournante.
Au moment où Radio Radio semble vouloir intensifier ses expérimentations avec la musique live (il collaborait récemment avec Damien Robitaille), il est à souhaiter que le trio laisse une plus grande place à ses racines rap dans ses prestations. Sans rien enlever au talent de Stéphane Bergeron, disons que son jeu de batterie ne rime pas spécialement avec «funk». Par ailleurs, plus il y a de musiciens dans la balance, moins il y a de la place pour les basses fréquences.
De toute évidence, Radio Radio assume totalement son côté champ gauche, ce qui est bien, mais le groupe reste composé de rimeurs hors pair, dont le talent n’est que mis en évidence par les samples et la programmation.