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Le courrier de Gab: freak du ménage

Chère Gab,

Je t’écris aujourd’hui parce que je dois changer! Vois-tu, je suis une freak de la propreté. Une vraie! Je ne peux pas fermer l’œil de la nuit si un verre d’eau traîne sur le bord de l’évier. Je lave ma douche avant et après l’avoir utilisée. Je range hermétiquement ma brosse à dent pour empêcher que les bactéries de l’air se multiplient sur ses poils. J’aseptise ma fourchette avant de piquer ma nourriture. Tu vois le genre? Ça fait 24 ans que je suis comme ça, sauf que là, mon copain et moi on veut déménager ensemble en juillet prochain. Tu comprendras que je dois absolument devenir plus tolérante parce que tu sais comme moi que garçon et ménage, ça fait deux. Et j’ai pas envie de passer mon temps à frotter derrière lui. Sinon, on ne s’en sortira pas des chicanes de ménage! S’il te plaît! Donne-moi des trucs!
 

 

Shit.

Je sais pas si je vais pouvoir t’aider, parce que je suis moi-même relativement germophobe et encore plus hypocondriaque. Pas tellement freak du ménage, mais c’est bien juste parce que je suis ultra lazy et que j’aime vraiment trop avoir quatre animaux. 

Pour ma part, c’est moins un verre d’eau qui traîne que les infinies possibilités d’ingérer les fluides, flocons et divers bouttes volatiles de mes concitoyens dès que je suis dans le même espace qu’eux. Exemple, dans un centre d’achats souterrain, l’idée que la ventilation me shoote au visage les pellicules de milliers d’inconnus semi-propres me dégoute to death

Pire encore, l’argent. Sur l’argent y’a tout, du smegma au vomi, en passant par la coke et le jus de raie swompeux de cent cinquante différents truckers à travers le pays qui ont vraiment chaud et se nourrissent exclusivement de hot chicken. C’est dégueulasse. Ça ou les piscines publiques, où les gens aiment se faire croire que le chlore magique efface toute trace des autres alors qu’au fond c’est rien d’autre qu’une soupe de jizz, de poils, de pisse, de coliformes, de cheveux morts, de flocons de peau morte, de mousse de nombril, de sueur, de morve et de crasse.

Il y a aussi les toilettes, quand on sait qu’à chaque fois qu’on tire la chasse, on envoie dans l’air une fine brume de ce qu’on vient d’y déposer qui s’en va se coller partout contre les surfaces et bien au creux de nos brosses à dents (mais pas la tienne; nice move, le sac hermétique). Les toilettes publiques, j’en parlerai même pas.

Alors voilà, j’ai un peu de misère à t’aider, parce que je te comprends. J’aurais été vraiment malheureuse à Paris au 17e siècle quand on jetait les pots de chambre par la fenêtre, mettons. On est très nombreux, et on baigne dans nos fluides et nos microbes. Et c’est terrifiant.

Bref, je sais pas trop quoi te dire, sinon de restreindre ton obsession à des trucs logiques, comme te laver les mains sans arrêt, ou obliger ton chum à ôter ses souliers en entrant. Laisse faire la tache de café d’un centimètre sur le comptoir; pense plutôt à lui dire de fermer le couvercle de la toilette en flushant. Mon seul conseil, en fait, est d’obséder sur les vrais trucs dégueu, pas ceux qui sont uniquement esthétiques et qui ne feraient que le faire chier, te faire perdre du temps et surtout, te faire paraître très anal-retentive. Genre ton truc de verre d’eau, tu vois, c’est un peu trop. 

De toute façon, quelque chose me dit que si tout se passe comme prévu, tu vas être trop occupée à le regarder marcher en bobettes dans votre maison, à choisir des cadres et des rideaux avec lui et à tweeter ton domestic bliss en Hipstamatic avec un chat et des hydrangées pour penser à ses bas et à la possible existence d’un pube au fond du bain. Anyway c’est ton chum, il est pas dégueu, et ses fluides, tu les aime probablement.

J’ai confiance que tout va bien se passer, tant que tu desserres un peu tes fesses et que tu focus sur les bons côtés d’habiter avec un hottie qui visse les ampoules et transporte les sacs lourds parce que de toute façon, c’est pas grave si y’a un cheveu, parce que c’est son cheveu à lui, pis tu les aime ses cheveux, sont doux pis y sentent bon. 

Il faut jamais sous-estimer le pouvoir du bonheur (Janette Bertrand, sors de ce corps) et surtout, le pouvoir d’avoir un dessous de bras réconfortant dans lequel tu vas pouvoir faire dodo, chaque soir.